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rapprochées et réunies de plus près par leur attraction mutuelle ; celles qui avaient assez de fixité pour soutenir la violence du feu ont formé des masses solides ; mais celles qui, comme l’air et l’eau, se raréfient ou se volatilisent par le feu ne pouvaient faire corps avec les autres ; elles en ont été séparées dans les premiers temps du refroidissement ; tous les éléments pouvant se transmuer et se convertir, l’instant de la consolidation des matières fixes fut aussi celui de la plus grande conversion des éléments et de la production des matières volatiles : elles étaient réduites en vapeurs et dispersées au loin, formant autour des planètes une espèce d’atmosphère semblable à celle du soleil ; car on sait que le corps de cet astre en feu est environné d’une sphère de vapeurs qui s’étend à des distances immenses, et peut-être jusqu’à l’orbe de la terre[1]. L’existence réelle de cette atmosphère solaire est démontrée par un phénomène qui accompagne les éclipses totales du soleil. La lune en couvre alors à nos yeux le disque tout entier ; et néanmoins l’on voit encore un limbe ou grand cercle de vapeurs dont la lumière est assez vive pour nous éclairer à peu près autant que celle de la lune : sans cela, le globe terrestre serait plongé dans l’obscurité la plus profonde pendant la durée de l’éclipse totale. On a observé que cette atmosphère solaire est plus dense dans ses parties voisines du soleil, et qu’elle devient d’autant plus rare et plus transparente qu’elle s’étend et s’éloigne davantage du corps de cet astre de feu : l’on ne peut donc pas douter que le soleil ne soit environné d’une sphère de matières aqueuses, aériennes et volatiles[2], que sa violente chaleur tient suspendues et reléguées à des distances immenses, et que dans le moment de la projection des planètes le torrent des matières fixes sorties du corps du soleil n’ait, en traversant son atmosphère, entraîné une grande quantité de ces matières volatiles dont elle est composée : et ce sont ces mêmes matières volatiles, aqueuses et aériennes, qui ont ensuite formé les atmosphères des planètes, lesquelles étaient semblables à l’atmosphère du soleil tant que les planètes ont été, comme lui, dans un état de fusion ou de grande incandescence[3].

  1. À l’époque de Buffon, on avait émis l’idée que la lumière zodiacale était due à l’atmosphère du soleil.
  2. J’ai déjà eu l’occasion de rappeler (p. 67) que, d’après les recherches spectroscopiques faites pendant ces dernières années, la chromosphère et la couronne du soleil sont formées de gaz incandescents, particulièrement d’hydrogène, et non de matières aqueuses comme le dit Buffon. Mais rien n’empêche d’admettre que l’hydrogène et l’oxygène qui, sans doute, existaient dans l’atmosphère des planètes, se soient combinés pour former de l’eau à la surface de ces astres, quand ceux-ci ont été suffisamment refroidis.
  3. On doit remarquer la façon dont Buffon explique ici l’origine de l’atmosphère et de l’eau qui enveloppent la terre. Il suppose que l’air et l’eau ont été enlevés au soleil autour duquel ils préexistaient avant la séparation des planètes. Cette opinion n’est pas admissible. La température du soleil, même actuellement, est trop élevée pour qu’on puisse supposer la présence de vapeurs d’eau et d’air dans la couronne ou dans la chromosphère. Ces corps n’ont pu se former à la surface de la terre qu’après son refroidissement. Nous reviendrons plus bas sur cette question.