Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/147

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» Voyageons maintenant sur la partie sèche du globe ; quelle différence prodigieuse entre les climats ! quelle variété de terrains ! quelle inégalité de niveau ! mais observons exactement, et nous reconnaîtrons que les grandes chaînes de montagnes se trouvent plus voisines de l’équateur que des pôles ; que dans l’ancien continent elles s’étendent d’orient en occident beaucoup plus que du nord au sud, et que dans le nouveau monde elles s’étendent au contraire du nord au sud beaucoup plus que d’orient en occident ; mais ce qu’il y a de très remarquable, c’est que la forme de ces montagnes et leurs contours qui paraissent absolument irréguliers, ont cependant des directions suivies et correspondantes entre elles, en sorte que les angles saillants d’une montagne se trouvent toujours opposés aux angles rentrants de la montagne voisine, qui en est séparée par un vallon ou par une profondeur. J’observe aussi que les collines opposées ont toujours à très peu près la même hauteur, et qu’en général les montagnes occupent le milieu des continents et partagent dans la plus grande longueur les îles, les promontoires et les autres terres avancées : je suis de même la direction des plus grands fleuves, et je vois qu’elle est toujours presque perpendiculaire à la côte de la mer dans laquelle ils ont leur embouchure, et que dans la plus grande partie de leur cours il vont à peu près comme les chaînes de montagnes dont ils prennent leur source et leur direction. Examinant ensuite les rivages de la mer, je trouve qu’elle est ordinairement bornée par des rochers, des marbres et d’autres pierres dures, ou bien par des terres et des sables qu’elle a elle-même accumulés ou que les fleuves ont amenés, et je remarque que les côtes voisines, et qui ne sont séparées que par un bras ou par un petit trajet de mer, sont composées des mêmes matières, et que les lits de terre sont les mêmes de l’un et l’autre côté ; je vois que les volcans se trouvent dans les hautes montagnes, qu’il y en a un grand nombre dont les feux sont entièrement éteints, que quelques-uns de ces volcans ont des correspondances souterraines, et que leurs expulsions se font quelquefois en même temps. J’aperçois une correspondance semblable entre certains lacs et les mers voisines ; ici sont des fleuves et des torrents qui se perdent tout à coup et paraissent se précipiter dans les entrailles de la terre ; là est une mer intérieure où se rendent cent rivières qui y portent de toutes parts une énorme quantité d’eau sans jamais augmenter ce lac immense, qui semble rendre par des voies souterraines tout ce qu’il reçoit par ses bords ; et chemin faisant je reconnais aisément les pays anciennement habités, je les distingue de ces contrées nouvelles où le terrain paraît encore tout brut, où les fleuves sont remplis de cataractes, où les terres sont en partie submergées, marécageuses ou trop arides, où la distribution des eaux est irrégulière, où des bois incultes couvrent toute la surface des terrains qui peuvent produire.

» Entrant dans un plus grand détail, je vois que la première couche qui