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la plupart des grands fleuves, le Mississipi, le Saint-Laurent, le Niger, le Sénégal, les fleuves Rouge et Jaune, déversent dans les océans des quantités prodigieuses de matériaux que les courants charrient d’un point à un autre, les accumulant en collines, entre lesquelles ils creusent des vallées ?

Résumé de l’action de l’eau. Tandis que les mers se comblent, les montagnes sont dénudées par l’eau des pluies, les plaines sont creusées par les fleuves, les continents sont en butte, sur tous les points de leur surface, à des tentatives incessantes de destruction. « Ne sait-on pas, dit éloquemment Buffon[1], que les montagnes s’abaissent continuellement par les pluies qui en détachent les terres et les entraînent dans les vallées ? Ne sait-on pas que les ruisseaux roulent les terres des plaines et des montagnes dans les fleuves, qui portent à leur tour cette terre superflue dans la mer ? Ainsi peu à peu le fond des mers se remplit, la surface des continents s’abaisse et se met de niveau, et il ne faut que du temps pour que la mer prenne successivement la place de la terre. »

Plus loin[2], il ajoute : « Nous voyons sous nos yeux d’assez grands changements de terres en eau et d’eau en terres, pour être assurés que ces changements se sont faits, se font et se feront ; en sorte qu’avec le temps les golfes deviendront des continents, les isthmes seront un jour des détroits, les marais deviendront des terres arides, et les sommets de nos montagnes les écueils de la mer. »

Plus loin[3], il résume en un mot toute la théorie des causes actuelles aqueuses : « Ainsi, l’eau ne travaille point en grand dans l’intérieur de la terre, mais elle y fait bien de l’ouvrage en petit. »

Un simple coup d’œil jeté sur les phénomènes terrestres qui ont eu, dans les temps reculés, l’eau pour agent producteur, permet de s’assurer qu’il n’y a pas un seul de ces phénomènes qui n’ait pu être produit par cet « ouvrage en petit » dont parle Buffon.

Division des roches. Nous avons dit plus haut que toutes les matières minérales qui forment la partie observable de notre globe peuvent être divisées, au point de vue du procédé suivant lequel elles ont été formées, en deux classes : les unes d’origine ignée, c’est-à-dire ayant été projetées, dans un état de fusion plus ou moins complète, par les foyers souterrains ; les autres d’origine aqueuse, c’est-à-dire déposées par les eaux. On a réuni les premières sous la dénomination de roches éruptives, et les secondes sous celle de roches sédimentaires.

Formation des roches sédimentaires. D’après ce qui a été dit plus haut des roches éruptives, il est aisé de se rendre compte de l’importance relativement beaucoup plus grande qu’ont les roches sédimentaires. C’est par elles, c’est par les rapports de position qu’elles affectent entre elles et avec les roches éruptives que l’on a pu établir

  1. Histoire et théorie de la terre, t. Ier, p. 52.
  2. Ibid., t. Ier, p. 56.
  3. Ibid., t. Ier, p. 65.