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à peine le concevoir. Or, pendant cette longue durée des espèces, dans une même localité, bien des soulèvements et des affaissements successifs se sont manifestement produits.

Ce fait, joint à tous les précédents, met bien en évidence l’erreur dans laquelle tombait Cuvier en admettant les révolutions brusques de la surface du globe, révolutions qui auraient été accompagnées de la destruction de toutes les espèces animales et végétales existant dans le lieu où elles se seraient produites. Tous, au contraire, sont favorables à la théorie des causes actuelles qu’admettait Buffon, et à laquelle se sont ralliés, de nos jours, tous les géologues, en dépit des efforts de l’école de Cuvier.

Buffon
est le fondateur de la théorie des causes actuelles.
Parmi les titres de gloire de Buffon, celui-là est, sans contredit, l’un des plus beaux, qui consiste à avoir ouvert la voie dans laquelle la géologie était destinée à se lancer, et dont il ne lui sera plus possible de s’écarter.

Après avoir étudié les causes qui ont déterminé les transformations multiples subies par la surface de notre globe depuis sa consolidation, il est nécessaire de passer en revue les transformations elles-mêmes et d’établir les époques auxquelles elles ont eu lieu ; en un mot, il faudrait écrire l’histoire de l’évolution de la terre.

Les phases de l’évolution de la terre. C’est ce qu’avait tenté de faire Buffon dans les Époques de la nature. Mais il faut bien dire que cette partie de son œuvre est la plus faible de toutes. L’histoire géologique de la terre n’a été sérieusement étudiée que depuis le commencement de notre siècle. Buffon et ses prédécesseurs n’ont fait qu’indiquer les monuments dont il faudrait faire usage dans ce travail et les titres auxquels il faudrait avoir recours ; quant à l’histoire même de la terre, ils en ont à peine entrevu les dates principales et les événements les plus saillants.

Époques de Buffon. Buffon distingue les deux sortes de roches qui entrent dans la composition du globe ; mais incapable d’apprécier leur âge relatif, il tire de cette distinction une première erreur : « On voit, dit-il, que le temps de la formation des matières vitrescibles est bien plus reculé que celui de la composition des substances calcaires. » Cette erreur va le conduire à admettre que toutes les montagnes, que tous les terrains dans lesquels on trouve des « matières vitrescibles » datent de l’époque où la terre était en fusion. La vérité aujourd’hui reconnue est qu’il n’y a peut-être pas, à l’heure actuelle, dans les parties observables de notre globe, une seule roche qui date de cette époque primitive. « Il est aujourd’hui bien prouvé, dit le savant géologue Lyell, que les granits des différentes régions ne sont pas tous de la même date, et qu’il est à peu près impossible de démontrer qu’une quelconque de ces roches soit aussi ancienne que les débris organiques du fossile le plus ancien connu. On admet aussi maintenant que le gneiss et les autres strates cristallins sont des dépôts sédimentaires qui ont subi l’action métamorphique,