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importe cependant de distinguer les lignes isothermes indiquant la température moyenne de l’année de celles qui marquent soit la température de l’hiver, soit la température de l’été. Les lignes isothermes qui s’écartent le moins des parallèles des latitudes sont celles qui indiquent la température moyenne de l’année. Les lignes qui correspondent aux températures d’hiver sont celles qui diffèrent le plus des parallèles ; elles peuvent avoir des écarts de 10, 15 et 19 degrés. Les courbes tracées par les lignes isothermes sont par suite extrêmement capricieuses, du moins si on les compare aux lignes parallèles qui, sur les cartes, marquent les latitudes. La ligne isotherme réunissant tous les points qui ont pour température moyenne −10° centigrades est une des plus intéressantes à cet égard ; en Sibérie, elle passe à 20 lieues au sud d’Yakoust, par 60° 2′ de latitude nord ; de là elle remonte brusquement vers le nord pour aller traverser le Spitzberg par 79° de latitude nord ; elle redescend ensuite à travers le Groenland jusqu’à la baie d’Hudson où elle rejoint le 60e degré de latitude nord, d’où nous l’avons vu partir en Sibérie, mais elle remonte de nouveau vers le nord pour aller passer près de Barrow, au sud de la Russie d’Amérique, à la hauteur du 70° 40′ de latitude. L’examen, même le plus superficiel, d’une carte isothermique, met en évidence deux faits importants : en premier lieu, plus on s’éloigne de l’équateur et plus les lignes isothermiques décrivent des courbes prononcées ; en second lieu, les courbes décrites par les lignes isothermiques sont beaucoup plus fortes dans les régions arctiques que dans les régions antarctiques du globe. Si l’on compare la température moyenne des régions situées au delà du 60° de latitude sud, on reconnaît que le froid est beaucoup plus intense et plus constant dans ces dernières que dans les premières. D’après les observations faites par James Ross en 1841 et plusieurs fois confirmées depuis cette époque, au niveau du 60e degré de latitude sud, le thermomètre s’élève rarement au-dessus de 0° C. Pendant les deux mois d’été (janvier et février) de 1841, sir James Ross constate une température stationnaire entre 0° et −11° C. Dans l’hémisphère arctique, au contraire, il existe au niveau du 60e degré de latitude et même beaucoup au-dessus des étés très chauds, alternant avec des hivers extrêmement rigoureux. Un autre fait très important est révélé par les observations faites sur la température comparée des diverses contrées du globe. Si l’on compare les hivers et les étés de l’ensemble de l’Europe, des parties orientales de l’Amérique et de l’Asie, avec ceux des parties septentrionales de l’Amérique et de l’Asie, on constate que dans les premières de ces régions les étés sont moins chauds et les hivers moins froids que dans les secondes. Dans les îles, il y a d’ordinaire moins de différence entre l’hiver et l’été que sur les continents voisins. C’est à cette cause qu’il faut attribuer la facilité avec laquelle on cultive dans la plupart des îles des végétaux qui sont tués sur les continents voisins, par les gelées de l’hiver ou par les chaleurs de l’été. C’est de là qu’est venu le nom de climats insulaires