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les latitudes correspondantes, on trouve des troupeaux de rennes et des hommes.

La température si rigoureuse des régions antarctiques doit encore être attribuée à l’élévation des continents circumpolaires. L’intérieur de la terre connue sous le nom de Victoria Land, située entre le 71e et le 79e degré de latitude sud, en face de la Nouvelle-Zélande et de la Tasmanie, atteint une altitude de 1 200 à 4 500 mètres au-dessus du niveau de la mer ; la terre de Graham atteint 1 200 à 2 100 mètres. Cette grande altitude favorise la production de glaciers et de champs de neige et de glaces d’une énorme étendue et d’une constance absolue. D’énormes bancs de glaces se détachent sans cesse des côtes et sont transportés jusqu’au voisinage de la pointe sud de l’Amérique ; ils refroidissent les eaux de l’Océan et les terres dont ils s’approchent.

Une troisième cause contribue à rendre les régions antarctiques plus froides que les régions arctiques ; dans ces dernières il existe, au niveau des zones tempérées, des continents d’une grande étendue : l’Asie septentrionale, l’Europe, l’Amérique du Nord, continents qui font rayonner autour d’eux la chaleur du soleil. Dans les régions antarctiques, au contraire, de très grands espaces de mers séparent les terres circumpolaires des continents les plus voisins et ces derniers se terminent au sud par de très faibles surfaces. Enfin, l’état actuel de l’hémisphère sud, par rapport à l’excentricité de la terre et à la précession des équinoxes, contribue encore à le rendre plus froid que l’hémisphère nord ; les hivers de l’hémisphère sud ont lieu au moment où la terre est à sa plus grande distance du soleil et ils sont plus longs de huit jours que ceux de notre hémisphère.

L’altitude des continents a nécessairement joué, aux époques géologiques antérieures, le même rôle que de nos jours. On sait que plus un continent est élevé et plus sa température moyenne est basse. Lorsque l’altitude devient assez grande, comme dans les grandes chaînes de montagnes, la neige s’accumule sur les sommets et y persiste pendant une grande partie de l’année ou même pendant toute l’année, des glaciers se forment, les vents qui traversent ces régions s’y refroidissent et vont déterminer au loin un abaissement de la température. N’est-on pas obligé de conclure de ces faits, d’une part que les soulèvements et les abaissements successifs dont les divers points de la surface du globe ont été l’objet, ont dû exercer une influence considérable sur le climat des différentes régions, et, d’autre part, que plus les grandes chaînes de montagnes se sont multipliées, plus la température moyenne des continents a dû s’abaisser ? Ces considérations sont surtout applicables aux régions tempérées. Il est bien évident qu’une chaîne de montagnes agira davantage pour abaisser la température moyenne d’une contrée, si celle-ci ne reçoit du soleil qu’une chaleur modérée, c’est-à-dire si elle est placée en dehors des tropiques que si étant située entre les tropiques, elle reçoit le maximum possible de chaleur solaire. Le soulèvement des Alpes,