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en Europe un animal assez développé en organisation, assez intelligent pour tailler la pierre et faire du feu. Faut-il donner à ces êtres le nom d’hommes ; faut-il, avec M. de Mortillet, les appeler simplement des anthropopithèques ? Le nom importe peu à la chose. Nous verrons, en effet, plus bas, que les espèces ne sont, comme toutes les autres divisions introduites parmi les êtres vivants, que des créations de notre esprit, ne répondant à rien de réel dans la nature.

On ne peut jamais dire à quel moment une espèce commence, à quelle époque elle se sépare assez nettement de celle qui lui a donné naissance pour qu’on doive lui donner un nom nouveau. Comme toutes les autres espèces animales et végétales, l’espèce humaine a évolué lentement, par transformation d’une espèce antérieure, et il nous est impossible d’assigner une date fixe à son apparition.

Pour terminer cette étude rapide de l’évolution de la terre, je me borne à rappeler que l’histoire géologique de notre globe se confond avec l’histoire des végétaux et des animaux, que l’une ne peut être écrite sans l’autre, et que s’il nous est aujourd’hui possible de retrouver quelques dates principales de l’histoire de la terre, quelques phases importantes de sa longue évolution, nous le devons à ce qu’elle a conservé dans ses entrailles et préservé de la destruction une partie des êtres produits par l’évolution de la matière qui compose à la fois et notre globe et les êtres qu’il nourrit.



IV

LA MATIÈRE SES PROPRIÉTÉS ET SON ÉVOLUTION. IDÉES DE BUFFON. IDÉES MODERNES.


On ne saurait faire un grand reproche à Buffon de n’avoir eu que des idées très peu nettes relativement à la constitution et aux propriétés de la matière. À l’époque où il vivait, la physique et la chimie, cette dernière science surtout, n’avaient encore fait que bien peu de progrès. On n’avait analysé qu’un tout petit nombre de corps ; on ne connaissait que très imparfaitement ceux qu’il est le plus indispensable de bien connaître, pour saisir les rapports des substances matérielles. L’oxygène, le carbone, l’hydrogène, l’azote n’avaient été pour ainsi dire qu’entrevus. On peut dire que les bases mêmes de la chimie n’étaient pas encore posées. Quant à la physique, quoique plus avancée, elle n’avait encore résolu aucun des vastes problèmes avec lesquels nous nous jouons presque à l’heure actuelle. Newton avait montré les effets puissants de l’attraction, Descartes avait plongé un regard indiscret dans les mystères du magnétisme, on connaissait assez bien quelques