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et l’impulsion qui n’est que la répulsion : la première également répartie est toujours subsistante dans la matière, et la seconde variable, occasionnelle et dépendante de la première. Autant l’attraction maintient la cohérence et la dureté des corps, autant l’impulsion tend à les désunir et à les séparer. Ainsi, toutes les fois que les corps ne sont pas brisés par le choc, et qu’ils sont seulement comprimés, l’attraction qui fait le lien de la cohérence, rétablit les parties dans leur première situation, en agissant en sens contraire, par répulsion, avec autant de force que l’impulsion avait agi en sens direct ; c’est ici, comme en tout, une réaction égale à l’action : on ne peut donc pas rapporter à l’impulsion les effets de l’attraction universelle ; mais c’est, au contraire, cette attraction générale qui produit, comme première cause, tous les phénomènes de l’impulsion. »

En résumé, que deux corps ou deux parties d’un corps se rapprochent ou s’éloignent l’un de l’autre, c’est toujours l’attraction qui agit, soit directement en les attirant l’un vers l’autre, soit indirectement en les repoussant ou plutôt en les attirant en sens contraire.

Buffon s’empresse d’ajouter que l’attraction n’a par elle-même rien de matériel et qu’il en est de même de toutes les forces. « L’on ne connaît les forces qui animent l’univers que par le mouvement et par ses effets : ce mot même de force ne signifie rien de matériel et n’indique rien de ce qui peut affecter nos organes, qui cependant sont nos seuls moyens de communication avec la nature. Ne devons-nous pas renoncer dès lors à vouloir mettre au nombre des substances matérielles ces forces générales de l’attraction et de l’impulsion primitive en les transformant, pour aider notre imagination, en matières subtiles, en fluides élastiques, en substances réellement existantes, et qui comme la lumière, la chaleur, le son et les odeurs devraient affecter nos organes : car ces rapports avec nous sont les seuls attributs de la matière que nous puissions saisir, les seuls que l’on doive regarder comme des agents mécaniques, et ces agents eux-mêmes, ainsi que leurs effets, ne dépendent-ils pas, plus ou moins, et toujours, de la force primitive[1] dont l’origine et l’essence nous seront à jamais inconnues, parce que cette force, en effet, n’est pas une substance mais une puissance qui anime la matière ? Tout ce que nous pouvons concevoir de cette puissance primitive d’attraction, et de l’impulsion ou répulsion qu’elle produit, c’est que la matière n’a jamais existé sans mouvement, car l’attraction étant essentielle à tout atome matériel, Le mouvement d’après Buffon. cette force a nécessairement produit des mouvements toutes les fois que les parties de la matière se sont trouvées séparées ou éloignées les unes des autres ; elles ont dès lors été forcées de se mouvoir et de parcourir l’espace intermédiaire pour se rapprocher et se réunir. Le mouvement est donc aussi ancien que la matière, et l’impulsion ou répul-

  1. On remarquera que dans cette phrase Buffon place la chaleur, la lumière et le son sous la dépendance de l’attraction.