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minant un écartement de plus en plus considérable des atomes pondérables que la chaleur détermine le passage de l’état solide à l’état liquide et à l’état gazeux ; 2o qu’en augmentant l’écartement des atomes pondérables, la chaleur augmente l’étendue et la rapidité du mouvement de translation tandis qu’elle diminue la rapidité du mouvement de rotation.

Mais il nous reste encore à expliquer de quelle façon la chaleur produit l’écartement en question, et quelle est la nature de la chaleur elle même.

Composition de la matière. Afin de résoudre cette question, nous devons pénétrer plus avant que nous l’avons fait encore dans l’étude de la constitution intime et des propriétés essentielles de la matière.

Corps simples. On admet généralement, à l’heure actuelle, que toutes les substances qui entrent dans la constitution de l’univers sont formées d’un petit nombre (une soixantaine environ) de corps dits simples, c’est-à-dire incapables d’être décomposés en éléments dissemblables, mais susceptibles, au contraire, de se mélanger, de s’associer, de se combiner les uns avec les autres, pour former des corps dits composés qui sont en nombre pour ainsi dire illimité. Les corps composés sont toujours formés d’un petit nombre de corps simples, mais ils peuvent eux-mêmes se mélanger et se combiner pour former des corps plus complexes.

D’abord observés dans la matière qui compose notre globe, les corps simples furent ensuite découverts, à l’aide des procédés spectroscopiques, dans les divers astres incandescents, ainsi que nous l’avons exposé plus haut.

Les corps dits simples ne le sont probablement pas. Dans ces derniers temps, les recherches spectroscopiques ont conduit à un autre résultat plus important encore. Elles ont permis d’émettre comme très plausible l’opinion que la plupart des corps considérés autrefois comme simples sont, en réalité, des corps composés ; et elles promettent de nous conduire à la vérification d’une hypothèse émise depuis bien longtemps déjà, mais restée jusqu’à ce jour sans fondement, hypothèse d’après laquelle les corps dits simples ne seraient que des états moléculaires différents d’un corps unique qui, seul, serait véritablement simple. Ces recherches sont dues à un savant anglais, M. Norman Lockyer. Je crois bon d’en dire ici quelques mots.

Expériences de Lockyer. En règle générale, lorsqu’on veut établir le spectre d’une substance, il faut la volatiliser dans une flamme gazeuse, ou bien lui faire produire des étincelles à l’aide d’un appareil à induction, et faire tomber les rayons lumineux sur la fente du spectroscope. On obtient alors généralement un spectre dont les lignes occupent le champ entier de la bande ; mais en interposant une lentille entre la flamme et la fente du spectroscope, M. Lockyer a pu étudier les diverses régions de la vapeur incandescente et établir le fait déjà noté, mais auquel on n’avait guère prêté attention, que toutes les lignes du spectre