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et d’incertitudes ! C’est qu’en effet le polype de la lentille n’est peut-être ni l’un ni l’autre, et que tout ce qu’on en peut dire, c’est qu’il approche un peu plus de l’animal que du végétal ; et comme on veut absolument que tout être vivant soit un animal ou une plante, on croirait n’avoir pas bien connu un être organisé, si on ne le rapportait pas à l’un ou l’autre de ces noms généraux, tandis qu’il doit y avoir, et qu’en effet il y a une grande quantité d’êtres organisés qui ne sont ni l’un ni l’autre. Les corps mouvants que l’on trouve dans les liqueurs séminales, dans la chair infusée des animaux et dans les graines et les autres parties infusées des plantes, sont de cette espèce ; on ne peut pas dire que ce soient des animaux, on ne peut pas dire que ce soient des végétaux, et assurément on dira encore moins que ce sont des minéraux.

» On peut donc assurer, sans crainte de trop avancer, que la grande division des productions de la nature en animaux, végétaux et minéraux, ne contient pas tous les êtres matériels ; il existe, comme on vient de le voir, des corps organisés qui ne sont pas compris dans cette division. Nous avons dit que la marche de la nature se fait par des degrés nuancés et souvent imperceptibles ; aussi passe-t-elle, par des nuances insensibles, de l’animal au végétal ; mais du végétal au minéral le passage est brusque, et cette loi de n’aller que par degrés nuancés paraît se démentir. Cela m’a fait soupçonner qu’en examinant de près la nature, on viendrait à découvrir des êtres intermédiaires, des corps organisés qui, sans avoir, par exemple, la puissance de se reproduire comme les animaux et les végétaux, auraient cependant une espèce de vie et de mouvement d’autres êtres qui, sans être des animaux ou des végétaux, pourraient bien entrer dans la constitution des uns et des autres ; et enfin d’autres êtres qui ne seraient que le premier assemblage des molécules organiques dont j’ai parlé dans les chapitres précédents. »

Les « particules organiques » de Buffon. Dans son Discours sur la figuration des minéraux[1], il développe cette idée que certaines substances minérales, dont il fait sa troisième classe des minéraux, sont mélangées de particules organiques « toujours actives », provenant des animaux et des végétaux morts. Il donne aux minéraux qui contiennent ces particules organiques le nom de « matière ductile ». Cette dernière, « pénétrée et travaillée dans les trois dimensions » par l’attraction et la chaleur, prend la forme d’un « germe organisé » qui n’aura plus qu’à se développer dans les trois dimensions, c’est-à-dire en longueur, en largeur et en profondeur, pour devenir un végétal ou un animal. Quant aux molécules organiques, il admet qu’elles proviennent de la transformation de certaines portions de la « matière brute ». L’animal et le végétal sont formés non seulement de molécules organiques, mais encore « d’une petite portion de matière ductile » ; après la mort, celle-ci retourne à la masse brute de

  1. T. II, p. 466.