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en quoi consiste la différence ; elle ne réside, en effet, réellement, que dans la différence des époques où les deux hypothèses ont été émises.

Théorie de « la conservation et régénération des molécules organiques » de Elspberg. La même analogie existe entre les théories de Buffon et de Darwin, d’une part, et celle qu’un savant américain, M. Elsberg, a désignée sous le nom de « théorie de la régénération ou préservation des molécules organiques ». M. Elsberg admet avec M. Hæckel que la forme la plus élémentaire du protoplasma, celle que le naturaliste allemand désigne sous le nom de plasson, est formée de molécules actives ou plastidules, et il résume de la façon suivante la façon dont il comprend la préservation et la régénération des plastidules[1]. « Le germe de tout être vivant contient des plastidules de toute la série de ses ancêtres. J’appelle « hypothèse de la régénération » mon hypothèse, parce que, jusqu’à un certain degré, les ancêtres renaissent corporellement, et même aussi à tout égard, dans leur postérité ; ou encore « hypothèse de la conservation des molécules organiques», parce qu’elle suppose que certaines plastidules, sinon pour toujours, du moins pour longtemps, sont conservées et transmises de génération en génération. Enfin, je pourrais encore lui donner le nom « d’hypothèse de la conservation des forces organiques », ce qui exprimerait la même chose en d’autres termes. »

Théorie de « la périgenèse des plastidules » de Hæckel. Dans ces mots « conservation des forces organiques » se trouve en germe la théorie de M. Hæckel, celle à laquelle il a donné le nom de « Périgenèse des plastidules ».

Buffon, Darwin, Elsberg, admettent que la conservation des formes et des caractères des parents dans les descendants est due ce que les molécules organiques, les gemmules ou les plastidules produites par les premiers sont transmises directement aux seconds ; ils admettent, en d’autres termes, la conservation des parties les plus simples de la matière vivante ; Hæckel fonde sa théorie sur la conservation des mouvements seuls. Hæckel établit lui-même cette différence entre sa théorie et celle de ses prédécesseurs. « Darwin dit expressément que « toutes les formes de la reproduction dépendent de l’agrégation des gemmules, qui sont émises de toutes les parties du corps. » Nous disons au contraire : « Toutes les formes de la reproduction dépendent de la communication du mouvement des plastidules, lequel est simplement transmis directement des parties génératrices du corps aux plastidules engendrées ; en outre, grâce à la mémoire et à la division du travail des plastidules, le mouvement ondulatoire des ancêtres peut être reproduit entièrement ou en partie chez les descendants[2]. »

Ceci demande quelques explications. J’ai dit plus haut que M. Hæckel donne le nom de plasson à la matière vivante la plus rudimentaire, celle qui par sa différenciation produit le protoplasma et le noyau des cellules, et

  1. Regeneration, or the preservation of organic molecules ; a contribution to the doctrine of the evolution, in Proceed. of the Americ. Associat., 1875, p. 93.
  2. Hæckel, Essais de psychologie cellulaire, trad. fr., p. 84.