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mouvement. » Ce à quoi nous objectons, que le vague de cette explication, la rend plus difficile à admettre que celle de Darwin.

Mais si l’on admet que la matière est une, et que la nature du mouvement atomique est la seule différence qui existe entre ses différentes formes ; si d’autre part, on admet, comme cela a été démontré plus haut, que tout atome tourbillon tend à adapter son mouvement à celui des atomes voisins, on devra admettre que tous les atomes tourbillons d’un individu déterminé, animal ou végétal, jouissent d’une sorte de mouvement commun, représentant en quelque sorte la résultante de tous les mouvements de tous les atomes tourbillons qui entrent dans la constitution de cet individu. Si les cellules de cet individu sont peu différentes les unes des autres, c’est-à-dire si leurs atomes sont peu dissemblables, chacune pourra reproduire l’animal ou le végétal ; si elles diffèrent beaucoup, il pourra se faire, malgré l’équilibre de mouvement établi entre elles, que toutes ne jouissent pas de la propriété de se développer en un individu nouveau, que cette propriété soit perdue chez toutes celles qui se sont fortement différenciées, tandis qu’elle persiste chez celles qui ont subi une différenciation moindre, qui sont, si l’on veut, restées plus jeunes et qui représentent les œufs. Comme l’œuf fait partie de l’organisme de l’individu au même titre que les autres cellules, comme il se nourrit de la même façon que les autres et est soumis aux mêmes conditions de milieu, il est évident que ses atomes jouissent du mouvement commun à toutes les cellules de l’individu dont je parlais plus haut. Quand l’œuf se détache de l’individu qui l’a produit, il conserve ce mouvement ; il le conserve quand il s’accroît par la nutrition, en vertu de ce que nous avons dit plus haut ; quand il se segmente, les cellules qui naissent de sa division, le conservent encore ; et si nombreuses que soient les segmentations successives de ces cellules, le mouvement primitif persiste dans toutes et détermine dans chacune un arrangement des atomes semblable à celui qui existait dans les diverses cellules de l’individu qui a produit l’œuf.

Pour bien comprendre cette transmission du mouvement atomique que j’appellerai spécifique, puisqu’il est chargé de conserver les caractères spécifiques des animaux et des végétaux, il faut se rappeler que les différentes sortes de cellules qui doivent entrer dans la constitution d’un animal ou d’un végétal se forment de très bonne heure. L’œuf n’a encore que deux cellules qu’on y peut distinguer celle qui produira tous les éléments de nature épidermique, et celle qui donnera naissance à tous les autres éléments du corps.

Ce qu’il importe aussi de remarquer, c’est qu’il n’y a pas seulement transmission de mouvement du générateur à son produit, mais encore transmission d’atomes matériels pondérables, puisqu’il n’y a pas plus de mouvement sans matière que de matière sans mouvement. S’il y a perpétuation d’un mouvement déterminé, il y a donc fatalement perpétuation de la forme de la