Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/405

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nombre, sur leur position, sur la substance même de la chose, et qu’on se servira de ces éléments en petit ou en grand nombre, à mesure qu’on en aura besoin ; de sorte que si un individu, de quelque nature qu’il soit, est d’une figure assez singulière pour être toujours reconnu au premier coup d’œil, on ne lui donnera qu’un nom ; mais si cet individu a de commun avec un autre la figure, et qu’il en diffère constamment par la grandeur, la couleur, la substance, ou par quelque autre qualité très sensible, alors on lui donnera le même nom, en y ajoutant un adjectif pour marquer cette différence ; et ainsi de suite, en mettant autant d’adjectifs qu’il y a de différences, on sera sûr d’exprimer tous les attributs différents de chaque espèce, et on ne craindra pas de tomber dans les inconvénients des méthodes trop particulières dont nous venons de parler, et sur lesquelles je me suis beaucoup étendu, parce que c’est un défaut commun à toutes les méthodes de botanique et d’histoire naturelle, et que les systèmes qui ont été faits pour les animaux sont encore plus défectueux que les méthodes de botanique ; car, comme nous l’avons déjà insinué, on a voulu prononcer sur la ressemblance et la différence des animaux en n’employant que le nombre des doigts ou ergots, des dents et des mamelles ; projet qui ressemble beaucoup à celui des étamines, et qui est en effet du même auteur.

» Il résulte de tout ce que nous venons d’exposer, qu’il y a dans l’étude de l’histoire naturelle deux écueils également dangereux, le premier, de n’avoir aucune méthode, et le second, de vouloir tout rapporter à un système particulier. Dans le grand nombre de gens qui s’appliquent maintenant à cette science, on pourrait trouver des exemples frappants de ces deux manières si opposées, et cependant toutes deux vicieuses : la plupart de ceux qui, sans aucune étude précédente de l’histoire naturelle, veulent avoir des cabinets de ce genre, sont de ces personnes aisées, peu occupées, qui cherchent à s’amuser, et regardent comme un mérite d’être mises au rang des curieux ; ces gens-là commencent par acheter, sans choix, tout ce qui leur frappe les yeux ; ils ont l’air de désirer avec passion les choses qu’on leur dit être rares et extraordinaires, ils les estiment au prix qu’ils les ont acquises, ils arrangent le tout avec complaisance, ou l’entassent avec confusion, et finissent bientôt par se dégoûter : d’autres au contraire, et ce sont les plus savants, après s’être rempli la tête de noms, de phrases, de méthodes particulières, viennent à en adopter quelqu’une, ou s’occupent à en faire une nouvelle, et travaillant ainsi toute leur vie sur une même ligne et dans une fausse direction, et voulant tout ramener à leur point de vue particulier, ils se rétrécissent l’esprit, cessent de voir les objets tels qu’ils sont, et finissent par embarrasser la science et la charger du poids étranger de toutes leurs idées.

» On ne doit donc pas regarder les méthodes que les auteurs nous ont données sur l’histoire naturelle en général, ou sur quelques-unes de ses par-