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que les animaux d’un même pays avaient dû se modifier avec le climat : « Lorsque, dit-il[1], par des révolutions sur le globe ou par la force de l’homme ils (les animaux) ont été contraints d’abandonner leur terre natale, qu’ils ont été chassés ou relégués dans des climats éloignés ; leur nature a subi des altérations si grandes et si profondes qu’elle n’est pas reconnaissable à la première vue, et que pour la juger il faut avoir recours à l’inspection la plus attentive et même aux expériences et à l’analogie. »

Les variétés de l’espèce humaine d’après Buffon. C’est surtout à propos de l’espèce humaine qu’il insiste sur l’influence du climat et de la nourriture comme causes productrices des variations.

« Dès que l’homme, dit-il[2], a commencé à changer de ciel, et qu’il s’est répandu de climats en climats, sa nature a subi des altérations ; elles ont été légères dans les contrées tempérées que nous supposons voisines du lieu de son origine ; mais elles ont augmenté à mesure qu’il s’en est éloigné, et lorsque, après des siècles écoulés, des continents traversés et des générations déjà dégénérées sous l’influence des différentes terres, il a voulu s’habituer dans les climats extrêmes, et peupler les sables du Midi et les glaces du Nord, les changements sont devenus si grands et si sensibles qu’il y aurait lieu de croire que le nègre, le lapon et le blanc forment des espèces différentes. » Mais Buffon croit à l’unité de l’espèce humaine et toutes les variations que l’homme présente ne constituent à ses yeux que des races. Cette opinion, aujourd’hui admise par tous les naturalistes a été récemment l’objet de luttes acharnées entre eux. Pendant plus d’un demi-siècle, monogénistes et polygénistes, c’est-à-dire partisans d’une seule espèce et partisans de plusieurs espèces humaines, ont rompu des milliers de lances. Buffon et les monogénistes l’ont enfin emporté ou plutôt, depuis que la théorie du transformisme s’est répandue, le mot « espèce » ayant perdu de son importance au point de n’avoir plus qu’une valeur conventionnelle, on a cessé de se quereller pour une question que Buffon avait résolue du premier coup, en mettant sur le compte des circonstances extérieures toutes les variétés d’hommes que nous connaissons.

Influence du climat. Buffon fait remarquer, avec raison, que l’homme a subi beaucoup moins que les autres animaux l’influence des climats parce qu’il a su trouver les moyens de se mettre à l’abri des vicissitudes de l’atmosphère. « Il s’est pour ainsi dire soumis les éléments ; par un seul signe de son intelligence il a produit celui du feu, qui n’existait pas sur la surface de la terre ; il a su se vêtir, s’abriter, se loger, il a compensé par l’esprit toutes les facultés qui manquent à la matière[3] ; et sans être ni si fort, ni si grand, ni si robuste que la plupart des animaux, il a su les vaincre, les dompter, les subjuguer, les confiner, les chasser, et s’emparer des espaces que la nature semblait leur avoir exclu-

  1. Buffon, t. IV, p. 472.
  2. Ibid., p. 469.
  3. Ibid., p. 470.