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ont subies sous l’influence de la domestication : « Les espèces, dit-il[1], que l’homme a beaucoup travaillées, tant dans les végétaux que dans les animaux, sont donc celles qui de toutes se sont le plus altérées ; et comme quelquefois elles le sont au point qu’on ne peut reconnaître leur forme primitive, comme dans le blé, qui ne ressemble plus à la plante dont il a tiré son origine, il ne serait pas impossible que dans la nombreuse variété des chiens que nous voyons aujourd’hui il n’y en eut pas un seul de semblable au premier chien, ou plutôt au premier animal de cette espèce, qui s’est peut-être beaucoup altérée depuis la création, et dont la souche a pu par conséquent être très différente des races qui subsistent actuellement, quoique ces races en soient originairement toutes également provenues. »

Il n’ignore pas cependant que les plantes et les animaux rendus à l’état sauvage, c’est-à-dire aux conditions de milieu dans lesquelles ont vécu leurs ancêtres font retour, dans une certaine mesure, à la forme primitive ; il émet même l’idée qu’avec certaines plantes, le blé, par exemple, on pourrait arriver, en les abandonnant à l’état sauvage, à voir reparaître la forme d’où l’homme les a tirées, mais il insiste sur la difficulté de réaliser de pareilles espérances, surtout quand il s’agit d’animaux qui s’accouplent à leur guise et qui nous échappent facilement[2].

Variations plus fréquentes chez les animaux et végétaux à reproduction rapide. Il fait ressortir, à ce propos, la différence considérable qui existe, au point de vue de la production des variétés, entre les animaux qui se reproduisent lentement et ceux dont la reproduction est rapide, et il montre que parmi les premiers figurent tous les animaux de grande taille, tandis que parmi les seconds se trouvent tous les animaux de petite taille, et il insiste sur le fait que les espèces sont beaucoup moins tranchées parmi les derniers que parmi les premiers. « Les petits animaux éphémères, dit-il[3], et dont la vie est si courte qu’ils se renouvellent tous les ans par la génération, sont infiniment plus sujets que les autres animaux aux variétés et aux altérations de tout genre : il en est de même des plantes annuelles en comparaison des autres végétaux ; il y en a même dont la nature est, pour ainsi dire, artificielle et factice. Le blé, par exemple, est une plante que l’homme a changée au point qu’elle n’existe nulle part dans l’état de nature : on voit bien qu’il a quelque rapport avec l’ivraie, avec les gramens, les chiendents, et quelques autres herbes des prairies ; mais on ignore à laquelle de ces herbes on doit le rapporter ; et comme il se renouvelle tous les ans, et que, servant de nourriture à l’homme, il est de toutes les plantes celle qu’il a le plus travaillée, il est aussi de toutes celle dont la nature est la plus altérée. L’homme peut donc non seulement faire servir à ses besoins, à son usage, tous les individus de l’univers ; mais il peut encore, avec le temps, changer, modifier et

  1. Buffon, t. VIII, p. 589.
  2. Ibid., p. 590.
  3. Ibid., p. 589.