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y demande, et par-dessus tout qui entende les bâtiments, de sorte qu’en moi-même il me paraît que je suis bien leur fait ; mais je n’ai pas encore grande espérance, et par conséquent je n’aurai pas grand regret de voir cette place remplie par un autre. »

Le président de Brosses, ami de collège de Buffon et son compagnon à l’École de droit de Dijon, écrivait dans le même temps, de Florence, le 8 octobre 1739, à un ami[1] : « Que dites-vous de l’aventure de Buffon ? Je lui ai écris de Venise ; j’attends avec impatience de ses nouvelles. Je ne sache pas d’avoir eu de plus grande joie que celle que m’a causée sa bonne fortune, quand je songe au plaisir que lui fait ce Jardin du Roi. Combien nous en avons parlé ensemble ! Combien il le souhaitait, et combien il était peu probable qu’il l’obtînt jamais à l’âge qu’avait Dufay ! »

Mis en possession du Jardin, il voit le profit qu’il en peut tirer pour sa gloire et pour le progrès de la science. Dans l’intérêt de la science, il s’efforce d’accroître les plantations et les collections ; il n’hésite pour cela devant aucune peine et aucun sacrifice ; il expose sa propre fortune, payant, à l’avance de ses deniers les travaux qu’il fait exécuter, au risque de n’être que difficilement remboursé. Quand il mourut, il lui était dû plus de 225 000 livres qui furent entièrement perdues pour ses héritiers.

Lorsque Buffon prit la direction du Jardin, le « Cabinet du Roi » ne se composait que de trois petites salles mal éclairées, l’une fermée au public, contenant les squelettes, les deux autres ouvertes, renfermant les animaux et les minéraux ; les herbiers étaient placés sous la surveillance des démonstrateurs de botanique. Buffon augmenta rapidement les collections, au point qu’il dut, en 1766, pour leur faire place, abandonner son logement et prendre une maison à loyer rue des Fossés-Saint-Victor. Il remettait généreusement et avec un absolu désintéressement au Cabinet du Roi tous les dons qui lui étaient faits par les explorateurs, les navigateurs, les savants, et qui lui arrivaient de tous les points du globe, sans en excepter les riches présents des rois de Suède et de Danemark, du grand Frédéric, de l’empereur Joseph II et de l’impératrice Catherine.

Buffon fut peut-être le seul naturaliste de ce temps qui n’ait pas possédé de cabinet d’histoire naturelle. Aussi, bientôt quatre galeries purent-elles être ouvertes au public, deux galeries d’animaux, une de minéraux, une de drogues et l’autre de produits d’origine végétale[2].

  1. Lettres familières écrites d’Italie en 1739 et 1740, par Charles de Brosses, Paris, 1858, 2 vol. in-12, t. Ier, p. 313.
  2. « Lorsque, dit M. Nadault de Buffon (Correspondance, 1re édit., I, p. 345), les amis de Buffon lui représentaient qu’il devait songer davantage à sa fortune et à son fils, il répondait en souriant : « Le Jardin du Roi est mon fils aîné. » Le roi, on doit le dire, ne fut point ingrat, et, à différentes reprises, il tint compte à Buffon de son désintéressement en augmentant les revenus de sa charge. Les appointements attachés à la charge d’Intendant du Jardin du Roi étaient de 6 000 livres ; les appointements accordés à Buffon, en y