Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se communiquant par les surfaces, le même coup aura fait mouvoir les parties les plus grosses et les plus légères de la matière du soleil avec plus de vitesse que les parties les plus petites et les plus massives ; il se sera donc fait une séparation des parties denses de différents degrés, en sorte que la densité de la matière du soleil étant égale à 100, celle de Saturne est égale à 67, celle de Jupiter = 94 1/2, celle de Mars = 200, celle de la terre = 400, celle de Vénus = 800, et celle de Mercure = 2 800. Mais la force d’attraction ne se communiquant pas, comme celle d’impulsion, par la surface, et agissant au contraire sur toutes les parties de la masse, elle aura retenu les portions de matières les plus denses, et c’est pour cette raison que les planètes les plus denses sont les plus voisines du soleil, et qu’elles tournent autour de cet astre avec plus de rapidité que les planètes les moins denses, qui sont aussi les plus éloignées. »

Il prévoit qu’on lui objectera que, si les planètes ont été détachées du soleil, elles devraient se trouver dans le même état que cet astre, « elles devraient être, comme le soleil, brûlantes et lumineuses, et non pas froides et opaques comme elles le sont[1]. » Or, « rien ne ressemble moins à ce globe de feu qu’un globe de terre et d’eau ; et, à en juger par comparaison, la matière de la terre et des planètes est tout à fait différente de celle du soleil. »

« À cela on peut répondre, dit-il[2], que, dans la séparation qui s’est faite des particules plus ou moins denses, la matière a changé de forme, et que la lumière ou le feu se sont éteints par cette séparation causée par le mouvement d’impulsion. D’ailleurs, ne peut-on pas soupçonner que, si le soleil ou une étoile brûlante et lumineuse par elle-même se mouvait avec autant de vitesse que se meuvent les planètes, le feu s’éteindrait peut-être, et que c’est par cette raison que toutes les étoiles lumineuses sont fixes et ne changent pas de lieu[3], et que ces étoiles que l’on appelle nouvelles, qui ont probablement changé de lieu, se sont éteintes aux yeux même des observateurs ? Ceci se confirme par ce qu’on a observé sur les comètes, elles doivent brûler jusqu’au centre lorsqu’elles passent à leur périhélie ; cependant elles ne deviennent pas lumineuses par elles-mêmes, on voit seulement qu’elles exhalent des vapeurs brûlantes dont elles laissent en chemin une partie considérable. »

Un peu plus bas[4], il ajoute : « On pourrait répondre encore que le feu ne peut pas subsister aussi longtemps dans les petites que dans les grandes masses, et qu’au sortir du soleil les planètes ont dû brûler pendant quelque temps, mais qu’elles se sont éteintes faute de matières combustibles, comme

  1. Preuves de la théorie de la terre ; De la formation des planètes, t. Ier, p. 74
  2. Ibid., t. Ier, p. 74
  3. Buffon croyait à l’immobilité des étoiles. Nous reviendrons plus bas sur cette question.
  4. Preuves de la théorie de la terre ; De la formation des planètes, t. Ier, p. 75