Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

excepté les comètes, qui aient pu communiquer ce mouvement d’impulsion ? Je demande s’il n’est pas probable qu’il tombe de temps à autres des comètes dans le soleil, puisque celle de 1680 en a, pour ainsi dire, rasé la surface ; et si par conséquent une telle comète, en sillonnant cette surface du soleil, ne communiquerait pas son mouvement d’impulsion à une certaine quantité de matière qu’elle séparerait du corps du soleil en la projetant au dehors ? Je demande si, dans ce torrent de matière projetée, il ne se formerait pas des globes par l’attraction mutuelle des parties, et si ces globes ne se trouveraient pas à des distances différentes, suivant la différente densité des matières, et si les plus légères ne seraient pas poussées plus loin que les plus denses par la même impulsion ? Je demande si la situation de tous ces globes presque dans le même plan n’indique pas assez que le torrent projeté n’était pas d’une largeur considérable, et qu’il n’avait pour cause qu’une seule impulsion, puisque toutes les parties de la matière dont il était composé ne se sont éloignées que très peu de la direction commune ? Je demande comment et où la matière de la terre et des planètes aurait pu se liquéfier si elle n’eût pas résidé dans le corps même du soleil, et si l’on peut trouver une cause de cette chaleur et de cet embrasement du soleil autre que celle de sa charge et du frottement intérieur produit par l’action de tous ces vastes corps qui circulent autour de lui ? Enfin je demande qu’on examine tous les rapports, que l’on suive toutes les vues, que l’on compare toutes les analogies sur lesquelles j’ai fondé mes raisonnements, et qu’on se contente de conclure avec moi que, si Dieu l’eût permis, il se pourrait, par les seules lois de la nature, que la terre et les planètes eussent été formées de cette même manière. »

Objections à l’hypothèse de Buffon. Je ne veux pas m’attarder à discuter en détail l’hypothèse par laquelle Buffon explique comment les planètes ont été séparées du soleil. Rejetée par tous les astronomes, elle n’a qu’un intérêt purement historique et c’est à ce titre seul que je l’ai rapportée ici, comme j’y ferai figurer toutes les théories importantes émises par ce penseur hardi. On a surtout objecté à l’hypothèse de Buffon, le peu de probabilité qu’il y a à ce qu’une comète ait pu rencontrer le soleil dans les conditions indispensables à la production du choc oblique supposé par l’auteur, et la faible densité des comètes. Il ne faudrait cependant pas exagérer l’importance de ces objections. En premier lieu, certains faits découverts pendant le cours des dernières années confirment dans une certaine mesure, la possibilité de la rencontre des comètes, soit avec le soleil, soit avec la terre ou avec tout autre corps céleste. S’il est vrai, comme nous aurons occasion de le montrer plus bas, que le météorites, les bolides, les étoiles filantes et les comètes soient des corps de même nature, rien n’empêche de supposer que le soleil, la terre, ou tout autre astre rencontre un jour sur la route régulière qu’il parcourt quelque comète errante, comme ils rencontrent chaque jour des millions d’étoiles filantes. Mais en admettant même la possibilité d’une rencontre, il faudrait y joindre