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Pieds. Pouces.
De l’autre part 
78 6
XXVIII
Sable vitrifiable, rayé de rouge et de blanc 
04 »
XXIX
Sable blanc, vitrifiable 
03 6
XXVIII
Sable vitrifiable, rougeâtre 
015 »
Profondeur où l’on a cessé de creuser 
101 »


J’ai dit que j’avais éprouvé toutes ces matières à l’eau-forte, parce que, quand l’inspection et la comparaison des matières avec d’autres qu’on connaît ne suffisent pas pour qu’on soit en état de les dénommer et de les ranger dans la classe à laquelle elles appartiennent, et qu’on a peine à se décider par la simple observation, il n’y a pas de moyen plus prompt, et peut-être plus sûr, que d’éprouver avec l’eau-forte les matières terreuses ou lapidifiques ; celles que les esprits acides dissolvent sur-le-champ avec chaleur et ébullition sont ordinairement calcinables ; celles, au contraire, qui résistent à ces esprits et sur lesquelles ils ne font aucune impression sont vitrifiables.

On voit, par cette énumération, que le terrain de Marly-la-Ville a été autrefois un fond de mer qui s’est élevé au moins de 75 pieds, puisqu’on trouve des coquilles à cette profondeur de 75 pieds. Ces coquilles ont été transportées par le mouvement des eaux en même temps que le sable où on les trouve, et le tout est tombé en forme de sédiments qui se sont arrangés de niveau et qui ont produit les différentes couches de sable gris, blanc, rayé de blanc et de rouge, etc., dont l’épaisseur totale est de 15 ou 18 pieds ; toutes les autres couches supérieures jusqu’à la première ont été de même transportées par le mouvement des eaux de la mer et déposées en forme de sédiment, comme on ne peut en douter, tant à cause de la situation horizontale des couches, qu’à cause des différents lits de sable mêlé de coquilles, et de ceux de marne, qui ne sont que des débris, ou plutôt des détriments de coquilles ; la dernière couche elle-même a été formée presque en entier par le limon dont nous avons parlé, qui s’est mêlé avec une partie de la marne qui était à la surface.

J’ai choisi cet exemple comme le plus désavantageux à notre explication, parce qu’il paraît d’abord fort difficile de concevoir que le limon de l’air et celui des pluies et des rosées aient pu produire une couche de terre franche épaisse de 13 pieds ; mais on doit observer d’abord qu’il est très rare de trouver, surtout dans les pays un peu élevés, une épaisseur de terre labourable aussi considérable ; ordinairement, les terres ont trois ou quatre pieds, et souvent elles n’ont pas un pied d’épaisseur. Dans les plaines environnées de collines, cette épaisseur de bonne terre est plus grande, parce que les pluies détachent les terres de ces collines et les entraînent dans les vallées ; mais, en ne supposant ici rien de tout cela, je vois que les dernières couches formées par les eaux de la mer sont des lits de marne fort épais ; il est naturel d’imaginer que cette marne avait au commencement une épaisseur encore plus grande, et que, des 13 pieds qui composent l’épaisseur de la couche supérieure, il y en avait plusieurs de marne lorsque la mer a abandonné ce pays et a laissé le terrain à découvert. Cette marne exposée à l’air se sera fondue par les pluies, l’action de l’air et de la chaleur du soleil y aura produit des gerçures, de petites fentes, et elle aura été altérée par toutes ces causes extérieures au point de devenir une matière divisée et réduite en poussière à la surface, comme nous voyons la marne que nous tirons de la carrière tomber en poudre lorsqu’on la laisse exposée aux injures de l’air : la mer n’aura pas quitté ce terrain si brusquement qu’elle ne l’ait encore recouvert