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souhaiter qu’on eût continué cette fouille à une plus grande profondeur, et que l’auteur nous eût appris s’il n’y avait pas de coquilles ou d’autres productions marines dans cette couche de glaise de 102 pieds d’épaisseur et dans celle du sable qui était au-dessous. Cet exemple confirme ce que nous avons dit, savoir, que plus on fouille dans l’intérieur de la terre, plus on trouve les couches épaisses, ce qui s’explique fort naturellement dans notre théorie.

Non seulement la terre est composée de couches parallèles et horizontales dans les plaines et dans les collines ; mais les montagnes même sont, en général, composées de la même façon ; on peut dire que ces couches y sont plus apparentes que dans les plaines, parce que les plaines sont ordinairement recouvertes d’une quantité assez considérable de sable et de terre que les eaux ont amenés, et, pour trouver les anciennes couches, il faut creuser plus profondément dans les plaines que dans les montagnes.

J’ai souvent observé que lorsqu’une montagne est égale et que son sommet est de niveau, les couches ou lits de pierre qui la composent sont aussi de niveau ; mais si le sommet de la montagne n’est pas posé horizontalement, et s’il penche vers l’orient ou vers tout autre côté, les couches de pierre penchent aussi du même côté. J’avais ouï dire à plusieurs personnes que, pour l’ordinaire, les bancs ou lits des carrières penchent un peu du côté du levant ; mais, ayant observé moi-même toutes les carrières et toutes les chaînes de rochers qui se sont présentées à mes yeux, j’ai reconnu que cette opinion est fausse, et que les couches ou bancs de pierre ne penchent du côté du levant que lorsque le sommet de la colline penche de ce même côté, et qu’au contraire si le sommet s’abaisse du côté du nord, du midi, du couchant ou de tout autre côté, les lits de pierre penchent aussi du côté du nord, du midi, du couchant, etc. Lorsqu’on tire les pierres et les marbres des carrières, on a grand soin de les séparer suivant leur position naturelle, et on ne pourrait pas même les avoir en grand volume si on voulait les couper dans un autre sens ; lorsqu’on les emploie, il faut, pour que la maçonnerie soit bonne et pour que les pierres durent longtemps, les poser sur leur lit de carrière, c’est ainsi que les ouvriers appellent la couche horizontale ; si, dans la maçonnerie, les pierres étaient posées sur un autre sens, elles se fendraient et ne résisteraient pas aussi longtemps au poids dont elles sont chargées : on voit bien que ceci confirme que les pierres se sont formées par couches parallèles et horizontales, qui se sont successivement accumulées les unes sur les autres, et que ces couches ont composé des masses dont la résistance est plus grande dans ce sens que dans tout autre.

Au reste, chaque couche, soit qu’elle soit horizontale ou inclinée, a dans toute son étendue une épaisseur égale, c’est-à-dire chaque lit d’une matière quelconque, pris à part, a une épaisseur égale dans toute son étendue ; par exemple, lorsque, dans une carrière, le lit de pierre dure a 3 pieds d’épaisseur en un endroit, il a ces 3 pieds d’épaisseur partout ; s’il a 6 pieds d’épaisseur en un endroit, il en a 6 partout. Dans les carrières autour de Paris, le lit de bonne pierre n’est pas épais, et il n’a guère que 18 à 20 pouces d’épaisseur partout ; dans d’autres carrières, comme en Bourgogne, la pierre a beaucoup plus d’épaisseur ; il en est de même des marbres : ceux dont le lit est le plus épais sont les marbres blancs et noirs ; ceux de couleur sont ordinairement plus minces, et je connais des lits d’une pierre fort dure, et dont les paysans se servent en Bourgogne pour couvrir leurs maisons, qui n’ont qu’un pouce d’épaisseur ; les épaisseurs des différents lits sont donc différentes, mais chaque lit conserve la même épaisseur dans toute son étendue : en général, on peut dire que l’épaisseur des couches horizontales est tellement variée, qu’elle va, depuis une ligne et moins encore, jusqu’à 1, 10, 20, 30 et 100 pieds d’épaisseur ; les carrières anciennes et nouvelles qui sont creusées horizontalement, les boyaux des mines, et les coupes à plomb, en long et en travers, de plusieurs montagnes, prouvent qu’il y a des couches qui ont beaucoup d’étendue en tout sens. « Il est bien prouvé