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effet que de l’argile, dont les différentes petites couches ont pris corps en se desséchant, ce qui a produit les délits qui s’y trouvent. Le charbon de terre, la houille, le jais sont des matières qui appartiennent aussi à l’argile, et qu’on trouve sous l’argile feuilletée ou sous l’ardoise. Par le mot de tuf, j’entends non seulement le tuf ordinaire qui paraît troué, et, pour ainsi dire, organisé, mais encore toutes les couches de pierres qui se sont faites par le dépôt des eaux courantes, toutes les stalactites, toutes les incrustations, toutes les espèces de pierres fondantes ; il n’est pas douteux que ces matières ne soient nouvelles et qu’elles ne prennent tous les jours de l’accroissement. Le tuf n’est qu’un amas de matières lapidifiques, dans lesquelles on n’aperçoit aucune couche distincte ; cette matière est disposée ordinairement en petits cylindres creux, irrégulièrement groupés et formés par des eaux gouttières au pied des montagnes ou sur la pente des collines, qui contiennent des lits de marne ou de pierre tendre et calcinable ; la masse totale de ces cylindres, qui font un des caractères spécifiques de cette espèce de tuf, est toujours ou oblique, ou verticale, selon la direction des filets d’eau qui les forment ; ces sortes de carrières parasites n’ont aucune suite, leur étendue est très bornée en comparaison des carrières ordinaires, et elle est proportionnée à la hauteur des montagnes qui leur fournissent la matière de leur accroissement. Le tuf recevant chaque jour de nouveaux sucs lapidifiques, ces petites colonnes cylindriques qui laissaient entre elles beaucoup d’intervalle se confondent à la fin, et avec le temps le tout devient compact ; mais cette matière n’acquiert jamais la dureté de la pierre, c’est alors ce qu’Agricola nomme marga tofacea fistulosa. On trouve ordinairement dans ce tuf quantité d’impressions de feuilles d’arbres et de plantes de l’espèce de celles que le terrain des environs produit ; on y trouve aussi assez souvent des coquilles terrestres très bien conservées, mais jamais de coquilles de mer. Le tuf est donc certainement une matière nouvelle, qui doit être mise dans la classe des stalactites, des pierres fondantes, des incrustations, etc. ; toutes ces matières nouvelles sont des espèces de pierres parasites qui se forment aux dépens des autres, mais qui n’arrivent jamais à la vraie pétrification.

Le cristal, toutes les pierres précieuses, toutes celles qui ont une figure régulière, même les cailloux en petites masses qui sont formés par couches concentriques, soit que ces sortes de pierre se trouvent dans les fentes perpendiculaires des rochers, ou partout ailleurs, ne sont que des exsudations des cailloux en grande masse, des sucs concrets de ces mêmes matières, des pierres parasites nouvelles, de vraies stalactites de caillou ou de roc vif.

On ne trouve jamais de coquilles ni dans le roc vif ou granit, ni dans le grès ; au moins, je n’y en ai jamais vu, quoiqu’on en trouve, et même assez souvent, dans le sable vitrifiable duquel ces matières tirent leur origine ; ce qui semble prouver que le sable ne peut s’unir pour former du grès ou du roc vif que quand il est pur, et que, s’il est mêlé de substances d’un autre genre, comme sont les coquilles, ce mélange de parties, qui lui sont hétérogènes, en empêche la réunion. J’ai observé, dans le dessein de m’en assurer, ces petites pelotes qui se forment souvent dans les couches de sable mêlé de coquilles, et je n’y ai jamais trouvé aucune coquille ; ces pelotes sont un véritable grès : ce sont des concrétions qui se forment dans le sable aux endroits où il n’est pas mêlé de matières hétérogènes, qui s’opposent à la formation des bancs ou d’autres masses plus grandes que ces pelotes.

Nous avons dit qu’on a trouvé à Amsterdam, qui est un pays dont le terrain est fort bas, des coquilles de mer à 100 pieds de profondeur sous terre, et à Marly-la-Ville à 6 lieues de Paris, à 75 pieds : on en trouve de même au fond des mines et dans des bancs de rochers au-dessous d’une hauteur de pierre de 50, 100, 200 et jusqu’à 1 000 pieds d’épaisseur, comme il est aisé de le remarquer dans les Alpes et dans les Pyrénées ; il n’y a qu’à examiner de près les rochers coupés-à plomb, et on voit que, dans les lits inférieurs,