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unes vont à la mer Blanche, d’autres à la mer Noire, et d’autres à la mer Caspienne ; en Asie, le pays des Tartares Mogols, d’où il coule des rivières dont les unes vont se rendre dans la mer Tranquille ou mer de la Nouvelle-Zemble, d’autres au golfe Linchidolin, d’autres à la mer de Corée, d’autres à celle de la Chine, et de même le Petit-Thibet, dont les eaux coulent vers la mer de la Chine, vers le golfe de Bengale, vers le golfe de Cambaïe et vers le lac Aral ; en Amérique, la province de Quito, qui fournit des eaux à la mer du Sud, à la mer du Nord et au golfe du Mexique.

Il y a dans l’ancien continent environ quatre cent trente fleuves qui tombent immédiatement dans l’Océan ou dans la Méditerranée et la mer Noire, et dans le nouveau continent on ne connaît guère que cent quatre-vingts fleuves qui tombent immédiatement dans la mer ; au reste, je n’ai compris dans ce nombre que des rivières grandes au moins comme l’est la Somme en Picardie.

Toutes ces rivières transportent à la mer avec leurs eaux une grande quantité de parties minérales et salines qu’elles ont enlevées des différents terrains par où elles ont passé. Les particules de sel qui, comme l’on sait, se dissolvent aisément, arrivent à la mer avec les eaux des fleuves. Quelques physiciens, et entre autres Halley, ont prétendu que la salure de la mer ne provenait que des sels de la terre que les fleuves y transportent ; d’autres ont dit que la salure de la mer était aussi ancienne que la mer même, et que ce sel n’avait été créé que pour l’empêcher de se corrompre ; mais on peut croire que l’eau de la mer est préservée de la corruption par l’agitation des vents et par celle du flux et reflux, autant que par le sel qu’elle contient ; car, quand on la garde dans un tonneau, elle se corrompt au bout de quelques jours, et Boyle rapporte qu’un navigateur, pris par un calme qui dura treize jours, trouva la mer si infectée au bout de ce temps que, si le calme n’eût cessé, la plus grande partie de son équipage aurait péri. (Vol. III, p. 222.) L’eau de la mer est aussi mêlée d’une huile bitumineuse, qui lui donne un goût désagréable et qui la rend très malsaine. La quantité de sel que l’eau de la mer contient est d’environ une quarantième partie, et la mer est à peu près également salée partout, au-dessus comme au fond, également sous la ligne et au cap de Bonne-Espérance, quoiqu’il y ait quelques endroits, comme à la côte de Mozambique, où elle est plus salée qu’ailleurs. (Voyez Boyle, vol. III, p. 217.) On prétend aussi qu’elle est moins salée dans la zone arctique ; cela peut venir de la grande quantité de neige et des grands fleuves qui tombent dans ces mers, et de ce que la chaleur du soleil n’y produit que peu d’évaporation, en comparaison de l’évaporation qui se fait dans les climats chauds.

Quoi qu’il en soit, je crois que les vraies causes de la salure de la mer sont non seulement les bancs de sel qui ont pu se trouver au fond de la mer et le long des côtes, mais encore les sels mêmes de la terre que les fleuves y transportent continuellement, et que Halley a eu quelque raison de présumer qu’au commencement du monde la mer n’était que peu ou point salée, qu’elle l’est devenue par degrés et à mesure que les fleuves y ont amené des sels ; que cette salure augmente peut-être tous les jours et augmentera toujours de plus en plus, et par conséquent il a pu conclure qu’en faisant des expériences pour reconnaître la quantité de sel dont l’eau d’un fleuve est chargée lorsqu’elle arrive à la mer, et qu’en supputant la quantité d’eau que tous les fleuves y portent, on viendrait à connaître l’ancienneté du monde par le degré de la salure de la mer.

Les plongeurs et les pêcheurs de perles assurent, au rapport de Boyle, que plus on descend dans la mer, plus l’eau est froide ; que le froid est même si grand à une profondeur considérable, qu’ils ne peuvent le souffrir, et que c’est par cette raison qu’ils ne demeurent pas aussi longtemps sous l’eau, lorsqu’ils descendent à une profondeur un peu grande, que quand ils ne descendent qu’à une petite profondeur. Il me paraît que le poids de l’eau pourrait en être la cause aussi bien que le froid, si on descendait à une grande