Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/182

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celle de la Nouvelle-Zemble ; et, quoiqu’on ne connaisse pas l’étendue de cette mer méditerranée du côté du nord et du nord-est, comme on y connaît des terres non interrompues, il est très probable que cette mer Tranquille est une mer méditerranée, une espèce de cul-de-sac fort difficile à aborder et qui ne mène à rien ; ce qui le prouve, c’est qu’en partant du détroit de Waigats on a côtoyé la Nouvelle-Zemble dans la mer Glaciale tout le long de ses côtes occidentales et septentrionales jusqu’au cap Désire ; qu’après ce cap on a suivi les côtes à l’est de la Nouvelle-Zemble jusqu’à un petit golfe qui est environ à 75 degrés, où les Hollandais passèrent un hiver mortel en 1596 ; qu’au delà de ce petit golfe on a découvert la terre de Jelmorland en 1664, laquelle n’est éloignée que de quelques lieues des terres de la Nouvelle-Zemble, en sorte que le seul petit endroit qui n’ait pas été reconnu est auprès du petit golfe dont nous venons de parler, et cet endroit n’a peut-être pas trente lieues de longueur ; de sorte que, si la mer Tranquille communique à l’océan, il faut que ce soit à l’endroit de ce petit golfe, qui est le seul par où cette mer méditerranée peut se joindre à la grande mer ; et comme ce petit golfe est à 75 degrés nord, et que, quand même la communication existerait, il faudrait toujours s’élever de cinq degrés vers le nord pour gagner la grande mer, il est clair que, si l’on veut tenter la route du nord pour aller à la Chine, il vaut beaucoup mieux passer au nord de la Nouvelle-Zemble à 77 ou 78 degrés, où d’ailleurs la mer est plus libre et moins glacée, que de tenter encore le chemin du détroit glacé de Waigats, avec l’incertitude de ne pouvoir sortir de cette mer méditerranée.

En suivant donc l’océan tout le long des côtes de la Nouvelle-Zemble et du Jelmorland, on a reconnu ces terres jusqu’à l’embouchure du Chotanga, qui est environ au 73e degré ; après quoi l’on trouve un espace d’environ deux cents lieues, dont les côtes ne sont pas encore connues ; on a su seulement, par le rapport des Moscovites qui ont voyagé par terre dans ces climats, que les terres ne sont point interrompues, et leurs cartes y marquent des fleuves et des peuples qu’ils ont appelés Populi Patati. Cet intervalle de côtes encore, inconnues est depuis l’embouchure du Chotanga jusqu’à celle du Kauvoina, au 66e degré de latitude : là, l’océan fait un golfe dont le point le plus avancé dans les terres est à l’embouchure du Len, qui est un fleuve très considérable ; ce golfe est formé par les eaux de l’océan ; il est fort ouvert et il appartient à la mer de Tartarie : on l’appelle le golfe Linchidolin, et les Moscovites y pèchent la baleine.

De l’embouchure du fleuve Len, on peut suivre les côtes septentrionales de la Tartarie dans un espace de plus de 500 lieues vers l’orient, jusqu’à une grande péninsule ou terre avancée où habitent les peuples Schelates ; cette pointe est l’extrémité la plus septentrionale de la Tartarie la plus orientale, et est elle située sous le 72e degré environ de latitude nord : dans cette longueur de plus de 500 lieues, l’océan ne fait aucune irruption dans les terres, aucun golfe, aucun bras, il forme seulement un coude considérable à l’endroit de la naissance de cette péninsule des peuples Schelates, à l’embouchure du fleuve Korvinea ; cette pointe de terre fait aussi l’extrémité orientale de la côte septentrionale du continent de l’ancien monde, dont l’extrémité occidentale est au cap Nord en Laponie, en sorte que l’ancien continent a environ 1 700 lieues de côtes septentrionales, en y comprenant les sinuosités des golfes, en comptant depuis le cap Nord de Laponie jusqu’à la pointe de la terre des Schelates, et il y a environ 1 100 lieues en naviguant sous le même parallèle.

Suivons maintenant les côtes orientales de l’ancien continent, en commençant à cette pointe de la terre des peuples Schelates, et en descendant vers l’équateur : l’océan fait d’abord un coude entre la terre des peuples Schelates et celle des peuples Tschutschi, qui avance considérablement dans la mer ; au midi de cette terre, il forme un petit golfe fort ouvert, qu’on appelle le golfe Suctoikret, et ensuite un autre plus petit golfe qui avance même comme un bras à 40 ou 50 lieues dans la terre de Kamtchatka ; après quoi l’océan