Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de 50 lieues de longueur : il y a aussi plusieurs lacs sur la côte de Guinée, qui paraissent avoir été formés par la mer, et il n’y a que peu d’autres lacs d’une grandeur un peu considérable dans le reste de l’Afrique.

L’Amérique septentrionale est le pays des lacs : les plus grands sont le lac Supérieur, qui a plus de 125 lieues de longueur sur 50 de largeur ; le lac Huron qui a près de 100 lieues de longueur sur environ 40 de largeur ; le lac des Illinois qui, en y comprenant la baie des Puants, est tout aussi étendu que le lac Huron ; le lac Érié et le lac Ontario, qui ont tous deux plus de 80 lieues de longueur sur 20 ou 25 de largeur ; le lac Mistasin au nord de Québec, qui a environ 50 lieues de longueur ; le lac Champlain au midi de Québec, qui est à peu près de la même étendue que le lac Mistasin ; le lac Alemipigon et le lac des Christinaux, tous deux au nord du lac Supérieur, sont aussi fort considérables ; le lac des Assiniboïls, qui contient plusieurs îles et dont l’étendue en longueur est de plus de 75 lieues ; il y en a aussi deux de médiocre grandeur dans le Mexique, indépendamment de celui de Mexico ; un autre beaucoup plus grand, appelé le lac Nicaragua, dans la province du même nom : ce lac a plus de 60 ou 70 lieues d’étendue en longueur.

Enfin dans l’Amérique méridionale il y en a un petit à la source du Maragnon, un autre plus grand à la source de la rivière du Paraguai, le lac Titicares dont les eaux tombent dans le fleuve de la Plata, deux autres plus petits dont les eaux coulent aussi vers ce même fleuve, et quelques autres, qui ne sont pas considérables, dans l’intérieur des terres du Chili.

Tous les lacs dont les fleuves tirent leur origine, tous ceux qui se trouvent dans le cours des fleuves ou qui en sont voisins et qui y versent leurs eaux, ne sont point salés ; presque tous ceux au contraire qui reçoivent des fleuves sans qu’il en sorte d’autres fleuves, sont salés, ce qui semble favoriser l’opinion que nous avons exposée au sujet de la salure de la mer, qui pourrait bien avoir pour cause les sels que les fleuves détachent des terres, et qu’ils transportent continuellement à la mer ; car l’évaporation ne peut pas enlever les sels fixes, et par conséquent ceux que les fleuves portent dans la mer y restent ; et, quoique l’eau des fleuves paraisse douce, on sait que cette eau douce ne laisse pas de contenir une petite quantité de sel, et par la succession des temps la mer a dû acquérir un degré de salure considérable, qui doit toujours aller en augmentant. C’est ainsi, à ce que j’imagine, que la mer Noire, la mer Caspienne, le lac Aral, la mer Morte, etc., sont devenus salés ; les fleuves qui se jettent dans ces lacs, y ont amené successivement tous les sels qu’ils ont détachés des terres, et l’évaporation n’a pu les enlever. À l’égard des lacs qui sont comme des mares, qui ne reçoivent aucun fleuve et desquels ils n’en sort aucun, ils sont ou doux ou salés, suivant leur différente origine : ceux qui sont voisins de la mer sont ordinairement salés, et ceux qui en sont éloignés sont doux, et cela parce que les uns ont été formés par des inondations de la mer, et que les autres ne sont que des fontaines d’eau douce, qui, n’ayant pas d’écoulement, forment une grande étendue d’eau. On voit aux Indes plusieurs étangs et réservoirs faits par l’industrie des habitants, qui ont jusqu’à deux ou trois lieues de superficie, dont les bords sont revêtus d’une muraille de pierre ; ces réservoirs se remplissent pendant la saison des pluies, et servent aux habitants pendant l’été, lorsque l’eau leur manque absolument à cause du grand éloignement où ils sont des fleuves et des fontaines.

Les lacs qui ont quelque chose de particulier, sont la mer Morte, dont les eaux contiennent beaucoup plus de bitume que de sel ; ce bitume, qu’on appelle bitume de Judée, n’est autre chose que de l’asphalte, et aussi quelques auteurs ont appelé la mer Morte lac Asphaltite. Les terres aux environs du lac contiennent une grande quantité de ce bitume : bien des gens se sont persuadé, au sujet de ce lac, des choses semblables à celles que les poètes ont écrites du lac d’Averne, que le poisson ne pouvait y vivre, que les oiseaux qui passaient par-dessus étaient suffoqués, mais ni l’un ni l’autre de ces lacs ne produit ces