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Ainsi on ne peut pas douter que le flux et le reflux ne produisent des courants dont la direction suit toujours celle des collines ou des montagnes opposées entre lesquelles ils coulent. Les courants qui sont produits par les vents, suivent aussi la direction de ces mêmes collines qui sont cachées sous l’eau, car ils ne sont presque jamais opposés directement au vent qui les produit, non plus que ceux qui ont le flux et le reflux pour cause, ne suivent pas pour cela la même direction.

Pour donner une idée nette de la production des courants, nous observerons d’abord qu’il y en a dans toutes les mers, que les uns sont plus rapides et les autres plus lents, qu’il y en a de fort étendus, tant en longueur qu’en largeur, et d’autres qui sont plus courts et plus étroits ; que la même cause, soit le vent, soit le flux et le reflux, qui produit ces courants, leur donne à chacun une vitesse et une direction souvent très différente ; qu’un vent de nord, par exemple, qui devrait donner aux eaux un mouvement général vers le sud, dans toute l’étendue de la mer où il exerce son action, produit au contraire un grand nombre de courants séparés les uns des autres et bien différents en étendue et en direction ; quelques-uns vont droit au sud, d’autres au sud-est, d’autres au sud-ouest ; les uns sont fort rapides, d’autres sont lents, il y en a de plus et moins forts, de plus et moins larges, de plus et moins étendus, et cela dans une variété de combinaisons si grande, qu’on ne peut leur trouver rien de commun que la cause qui les produit ; et lorsqu’un vent contraire succède, comme cela arrive souvent dans toutes les mers, et régulièrement dans l’Océan Indien, tous ces courants prennent une direction opposée à la première, et suivent en sens contraire les mêmes routes et le même cours, en sorte que ceux qui allaient au sud vont au nord, ceux qui coulaient vers le sud-est vont au nord-ouest, etc., et ils ont la même étendue en longueur et en largeur, la même vitesse, etc., et leur cours au milieu des autres eaux de la mer se fait précisément de la même façon qu’il se ferait sur la terre entre deux rivages opposés et voisins, comme on le voit aux Maldives et entre toutes les îles de la mer des Indes, où les courants vont comme les vents pendant six mois dans une direction, et pendant six autres mois dans la direction opposée : on a fait la même remarque sur les courants qui sont entre les bancs de sable et entre les hauts fonds ; et en général tous les courants, soit qu’ils aient pour cause le mouvement du flux et du reflux, ou l’action des vents, ont chacun constamment la même étendue, la même largeur et la même direction dans tout leur cours, et ils sont très différents les uns des autres en longueur, en largeur, en rapidité et en direction, ce qui ne peut venir que des inégalités des collines, des montagnes et des vallées qui sont au fond de la mer, comme l’on voit qu’entre deux îles le courant suit la direction des côtes aussi bien qu’entre les bancs de sable, les écueils et les hauts-fonds. On doit donc regarder les collines et les montagnes du fond de la mer comme les bords qui contiennent et qui dirigent les courants, et dès lors un courant est un fleuve dont la largeur est déterminée par celle de la vallée dans laquelle il coule, dont la rapidité dépend de la force qui le produit, combinée avec le plus ou le moins de largeur de l’intervalle par où il doit passer, et enfin dont la direction est tracée par la position des collines et des inégalités entre lesquelles il doit prendre son cours.

Ceci étant entendu, nous allons donner une raison palpable de ce fait singulier dont nous avons parlé, de cette correspondance des angles des montagnes et des collines, qui se trouve partout, et qu’on peut observer dans tous les pays du monde. On voit, en jetant les yeux sur les ruisseaux, les rivières et toutes les eaux courantes, que les bords qui les contiennent forment toujours des angles alternativement opposés ; de sorte que, quand un fleuve fait un coude, l’un des bords du fleuve forme d’un côté une avance ou un angle rentrant dans les terres, et l’autre bord forme au contraire une pointe ou un angle saillant hors des terres, et que dans toutes les sinuosités de leur cours cette correspondance des angles alternativement opposés se trouve toujours ; elle est en effet fondée