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la mer Pacifique, sur les côtes du Pérou et du reste de l’Amérique, la mer se meut du midi au nord, et il y règne constamment un vent de midi qui semble être la cause de ces courants ; on observe le même mouvement du midi au nord sur les côtes du Brésil, depuis le cap Saint-Augustin jusqu’aux îles Antilles, à l’embouchure du détroit des Manilles, aux Philippines et au Japon dans le port de Kibuxia. (Voyez Varen. Geogr. gener., p. 140.)

Il y a des courants très violents dans la mer voisine des îles Maldives, et entre ces îles ces courants coulent, comme je l’ai dit, constamment pendant six mois d’orient en occident, et rétrogradent pendant les six autres mois d’occident en orient ; ils suivent la direction des vents moussons, et il est probable qu’ils sont produits par ces vents qui, comme l’on sait, soufflent dans cette mer six mois de l’est à l’ouest, et six mois en sens contraire.

Au reste, nous ne faisons ici mention que des courants dont l’étendue et la rapidité sont fort considérables ; car il y a dans toutes les mers une infinité de courants que les navigateurs ne reconnaissent qu’en comparant la route qu’ils ont faite avec celle qu’ils auraient dû faire, et ils sont souvent obligés d’attribuer à l’action de ces courants la dérive de leur vaisseau. Le flux et le reflux, les vents et toutes les autres causes qui peuvent donner de l’agitation aux eaux de la mer, doivent produire des courants, lesquels seront plus ou moins sensibles dans les différents endroits. Nous avons vu que le fond de la mer est, comme la surface de la terre, hérissé de montagnes, semé d’inégalités et coupé par des bancs de sable : dans tous ces endroits montueux et entrecoupés les courants seront violents ; dans les lieux plats où le fond de la mer se trouvera de niveau, ils seront presque insensibles ; la rapidité du courant augmentera à proportion des obstacles que les eaux trouveront, ou plutôt du rétrécissement des espaces par lesquels elles tendent à passer. Entre deux chaînes de montagnes qui seront dans la mer, il se formera nécessairement un courant qui sera d’autant plus violent que ces deux montagnes seront plus voisines : il en sera de même entre deux bancs de sable ou entre deux îles voisines ; aussi remarque-t-on dans l’Océan Indien, qui est entrecoupé d’une infinité d’îles et de bancs, qu’il y a partout des courants très rapides qui rendent la navigation de cette mer fort périlleuse ; ces courants ont, en général, des directions semblables à celles des vents ou du flux et du reflux qui les produisent.

Non seulement toutes les inégalités du fond de la mer doivent former des courants, mais les côtes mêmes doivent faire un effet en partie semblable. Toutes les côtes font refouler les eaux à des distances plus ou moins considérables, ce refoulement des eaux est une espèce de courant que les circonstances peuvent rendre continuel et violent ; la position oblique d’une côte, le voisinage d’un golfe ou de quelque grand fleuve, un promontoire, en un mot tout obstacle particulier qui s’oppose au mouvement général produira toujours un courant : or, comme rien n’est plus irrégulier que le fond et les bords de la mer, on doit donc cesser d’être surpris du grand nombre de courants qu’on y trouve presque partout.

Au reste, tous ces courants ont une largeur déterminée et qui ne varie point : cette largeur du courant dépend de celle de l’intervalle qui est entre les deux éminences qui lui servent de lit. Les courants coulent dans la mer comme les fleuves coulent sur la terre, et ils y produisent des effets semblables ; ils forment leur lit, ils donnent aux éminences, entre lesquelles ils coulent, une figure régulière et dont les angles sont correspondants : ce sont en un mot ces courants qui ont creusé nos vallées, figuré nos montagnes, et donné à la surface de notre terre, lorsqu’elle était sous l’eau de la mer, la forme qu’elle conserve encore aujourd’hui.

Si quelqu’un doutait de cette correspondance des angles des montagnes, j’oserais en appeler aux yeux de tous les hommes, surtout lorsqu’ils auront lu ce qui vient d’être