Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/278

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’accord dans leur nomenclature : mais les uns appellent marne ce qui n’est en effet que de l’argile blanche ; les autres nomment cailloux des pierres calcaires arrondies ; ils donnent le nom de sable à du gravier calcaire ; au moyen de quoi l’on ne peut tirer aucun fruit de leurs recherches, ni de leurs longs Mémoires sur ces matières, parce qu’il y a partout incertitude sur la nature des substances dont ils parlent : nous nous bornerons donc aux exemples suivants :

Un bon observateur a écrit à un de mes amis, dans les termes suivants, sur les couches de terre dans le voisinage de Toulon : « Il existe ici, dit-il, un immense dépôt pierreux qui occupe toute la pente de la chaîne de montagnes que nous avons au nord de la ville de Toulon, qui s’étend dans la vallée au levant et au couchant, dont une partie forme le sol de la vallée et va se perdre dans la mer : cette matière lapidifique est appelée vulgairement saffre, et c’est proprement ce tuf que les naturalistes appellent marga toffacea fistulosa. M. Guettard m’a demandé des éclaircissements sur ce saffre pour en faire usage dans ses mémoires, et quelques morceaux de cette matière pour la connaître ; je lui ai envoyé les uns et les autres, et je crois qu’il en a été content, car il m’en a remercié : il vient même de me marquer qu’il reviendra en Provence et à Toulon au commencement de mai… Quoi qu’il en soit, M. Guettard n’aura rien de nouveau à dire sur ce dépôt, car M. de Buffon a tout dit à ce sujet dans son premier volume de l’Histoire naturelle, à l’article des Preuves de la Théorie de la terre, et il semble qu’en faisant cet article il avait sous les yeux les montagnes de Toulon et leur croupe.

» À la naissance de cette croupe, qui est d’un tuf plus ou moins dur, on trouve dans de petites cavités du noyau de la montagne quelques mines de très beau sable, qui sont probablement ces pelotes dont parle M. de Buffon. En cassant en d’autres endroits la superficie du noyau, nous trouvons en abondance des coquilles de mer incorporées avec la pierre… J’ai plusieurs de ces coquilles dont l’émail est assez bien conservé ; je les enverrai quelque jour à M. de Buffon[1]. »

M. Guettard, qui a fait par lui-même plus d’observations en ce genre qu’aucun autre naturaliste, s’exprime dans les termes suivants, en parlant des montagnes qui environnent Paris :

« Après la terre labourable, qui n’est tout au plus que de deux ou trois pieds, est placé un banc de sable, qui a depuis quatre et six pieds jusqu’à vingt pieds, et souvent même jusqu’à trente de hauteur ; ce banc est communément rempli de pierres de la nature de la pierre meulière… Il y a des cantons où l’on rencontre dans ce banc sableux des masses de grès isolées.

» Au-dessous de ce sable, on trouve un tuf qui peut avoir depuis dix ou douze jusqu’à trente, quarante et même cinquante pieds ; ce tuf n’est cependant pas communément d’une seule épaisseur, et il est assez souvent coupé par différents lits de fausse marne, de marne glaiseuse, de cos, que les ouvriers appellent tripoli, ou de bonne marne, et même de petits bancs de pierres assez dures… Sous ce banc de tuf commencent ceux qui donnent la pierre à bâtir : ces bancs varient par la hauteur ; ils n’ont guère d’abord qu’un pied ; il s’en trouve dans des cantons trois ou quatre au-dessus l’un de l’autre ; ils en précèdent un qui peut être d’environ dix pieds, et dont les surfaces et l’intérieur sont parsemés de noyaux ou d’empreintes de coquilles ; il est suivi d’un autre qui peut avoir quatre pieds ; il porte sur un de sept à huit, ou plutôt sur deux de trois ou quatre. Après ces bancs il y en a plusieurs autres qui sont petits, et qui peuvent former en tout un massif de trois toises au moins ; ce massif est suivi des glaises, avant lesquelles cependant on perce un lit de sable.

» Ce sable est rougeâtre et terreux ; il a d’épaisseur deux, deux et demi et trois pieds ;

  1. Lettre de M. Bossy à M. Guenaud de Montbeillard. Toulon, 16 avril 1775.