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que l’Afrique doit être considérée comme composée de montagnes qui en occupent le milieu dans toute sa longueur, et qui sont disposées du nord au sud et dans la même direction que celles de l’Amérique. Les parties de l’Atlas qui s’étendent depuis le milieu et des deux côtés vers l’occident et vers l’orient, ne doivent être considérées que comme des branches de la chaîne principale ; il en sera de même de la partie des monts de la Lune qui s’étend vers l’occident et vers l’orient : ce sont des montagnes collatérales de la branche principale qui occupe l’intérieur, c’est-à-dire le milieu de l’Afrique, et, s’il n’y a point de volcans dans cette prodigieuse étendue de montagnes, c’est parce que la mer est des deux côtés fort éloignée du milieu de cette vaste presqu’île, tandis qu’en Amérique la mer est très voisine du pied des hautes montagnes, et qu’au lieu de former, le milieu de la presqu’île de l’Amérique méridionale, elles sont au contraire toutes situées à l’occident, et que l’étendue des basses terres est en entier du côté de l’orient.

La grande chaîne des Cordillères n’est pas la seule, dans le nouveau continent, qui soit dirigée du nord au sud ; car dans le terrain de la Guyane, à environ cent cinquante lieues de Cayenne, il y a aussi une chaîne d’assez hautes montagnes qui court également du nord au sud ; cette montagne est si escarpée du côté qui regarde Cayenne, qu’elle est pour ainsi dire inaccessible ; ce revers à-plomb de la chaîne de montagnes semble indiquer qu’il y a de l’autre côté une pente douce et une bonne terre : aussi la tradition du pays, ou plutôt le témoignage des Espagnols, est qu’il y a au delà de cette montagne des nations de sauvages réunis en assez grand nombre ; on a dit aussi qu’il y avait une mine d’or dans ces montagnes et un lac où l’on trouvait des paillettes d’or, mais ce fait ne s’est pas confirmé.

En Europe, la chaîne de montagnes, qui commence en Espagne, passe en France, en Allemagne et en Hongrie, se partage en deux grandes branches, dont l’une s’étend en Asie par les montagnes de la Macédoine, du Caucase, etc., et l’autre branche passe de la Hongrie dans la Pologne, la Russie, et s’étend jusqu’aux sources du Volga et du Borysthène ; et, se prolongeant encore plus loin, elle gagne une autre chaîne de montagnes en Sibérie qui aboutit enfin à la mer du Nord à l’occident du fleuve Oby. Ces chaînes de montagnes doivent être regardées comme un sommet presque continu, dans lequel plusieurs grands fleuves prennent leurs sources : les uns, comme le Tage, la Doure en Espagne, la Garonne, la Loire en France, le Rhin en Allemagne, se jettent dans l’Océan ; les autres, comme l’Oder, la Vistule, le Niémen, se jettent dans la mer Baltique ; enfin d’autres fleuves, comme la Doine, tombent dans la mer Blanche, et le fleuve Petzora dans la mer Glaciale. Du côté de l’orient, cette même chaîne de montagnes donne naissance à l’Yeucar et l’Èbre en Espagne, au Rhône en France, au Pô en Italie qui tombent dans la mer Méditerranée ; au Danube et au Don qui se perdent dans la mer Noire, et enfin au Volga qui tombe dans la mer Caspienne.

Le sol de la Norvège est plein de rochers et de groupes de montagnes. Il y a cependant des plaines fort unies de six, huit et dix milles d’étendue. La direction des montagnes n’est point à l’ouest ou l’est, comme celle des autres montagnes de l’Europe ; elles vont au contraire, comme les Cordillères, du sud au nord[1].

Dans l’Asie méridionale, depuis l’île de Ceylan et le cap Comorin, il s’étend une chaîne de montagnes qui sépare le Malabar de Coromandel, traverse le Mogol, regagne le mont Caucase, se prolonge dans le pays des Kalmouks et s’étend jusqu’à la mer du Nord à l’occident du fleuve Irtis. On en trouve une autre qui s’étend de même du nord au sud jusqu’au cap Razatgat en Arabie, et qu’on peut suivre à quelque distance de la mer Rouge jusqu’à Jérusalem : elle environne l’extrémité de la mer Méditerranée et la pointe de la mer Noire, et de là s’étend par la Russie jusqu’au même point de la mer du Nord.

  1. Histoire naturelle de Norvège, par Pontoppidan. Journal étranger, mois d’août 1755