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visibles, si ce n’est dans quelques circonstances où une partie de cette couche froide paraît se rabattre jusqu’à la surface de la terre, et où la chaleur émanée de la terre, éteinte pendant quelques moments par des pluies, se ranimant avec plus de force, les vapeurs s’épaississent alentour de nous en brumes et en brouillards ; sans cela elles ne deviennent visibles que lorsqu’elles arrivent à cette région où le froid les condense en flocons, en nuages, et par là même arrête leur ascension : leur gravité, augmentée à proportion qu’elles sont devenues plus denses, les établissant dans un équilibre qu’elles ne peuvent plus franchir. On voit que les nuages sont généralement plus élevés en été et constamment encore plus élevés dans les climats chauds : c’est que dans cette saison et dans ces climats la couche de l’évaporation de la terre a plus de hauteur ; au contraire, dans les plages glaciales des pôles, où cette évaporation de la chaleur du globe est beaucoup moindre, la couche dense de l’air paraît toucher à la surface de la terre et y retenir les nuages qui ne s’élèvent plus, et enveloppent ces parages d’une brume perpétuelle.


III. — Sur quelques vents qui varient régulièrement.

Il y a de certains climats et de certaines contrées particulières où les vents varient, mais constamment et régulièrement, les uns au bout de six mois, les autres après quelques semaines, et enfin d’autres du jour à la nuit, ou du soir au matin. J’ai dit, p. 255, « qu’à Saint-Domingue il y a deux vents différents qui s’élèvent régulièrement presque chaque jour, que l’un est un vent de mer qui vient de l’orient, et que l’autre est un vent de terre qui vient de l’occident. » M. Fresnaye m’a écrit que je n’avais pas été exactement informé. « Les deux vents réguliers, dit-il, qui soufflent à Saint-Domingue, sont tous deux des vents de mer, et soufflent l’un de l’est le matin et l’autre de l’ouest le soir, qui n’est que le même vent renvoyé. Comme il est évident que c’est le soleil qui le cause, il y a un moment de bourrasque que tout le monde remarque entre une heure et deux de l’après-midi. Lorsque le soleil a décliné, raréfiant l’air de l’ouest, il chasse dans l’est les nuages que le vent du matin avait confinés dans la partie opposée. Ce sont ces nuages renvoyés qui, depuis avril et mai jusque vers l’automne, donnent dans la partie du Port-au-Prince les pluies réglées qui viennent constamment de l’est. Il n’y a pas d’habitant qui ne prédise la pluie du soir entre six et neuf heures, lorsque, suivant leur expression, la brise a été renvoyée. Le vent d’ouest ne dure pas toute la nuit, il tombe régulièrement vers le soir, et c’est lorsqu’il a cessé que les nuages poussés à l’orient ont la liberté de tomber, dès que leur poids excède un pareil volume d’air : le vent que l’on sent la nuit est exactement un vent de terre qui n’est ni de l’est ni de l’ouest, mais dépend de la projection de la côte. Au Port-au-Prince, ce vent du midi est d’un froid intolérable dans les mois de janvier et de février : comme il traverse la ravine de la rivière froide, il y est modifié[1]. »


IV. — Sur les lavanges.

Dans les hautes montagnes il y a des vents accidentels qui sont produits par des causes particulières, et notamment par les lavanges. Dans les Alpes, aux environs des glacières, ou distingue plusieurs espèces de lavanges : les unes sont appelées lavanges venteuses, parce qu’elles produisent un grand vent ; elles se forment lorsqu’une neige nouvellement tombée vient à être mise en mouvement, soit par l’agitation de l’air, soit en fondant par-dessous au moyen de la chaleur intérieure de la terre : alors la neige

  1. Note communiquée à M. de Buffon par M. Fresnaye, conseiller au conseil de Saint-Domingue, en date du 10 mars 1777.