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ADDITIONS

À L’ARTICLE QUI A POUR TITRE : DES VENTS IRRÉGULIERS,
DES TROMBES, ETC.



I. — Sur la violence des vents du midi dans quelques contrées septentrionales.

Les voyageurs russes ont observé, qu’à l’entrée du territoire de Milim, il y a sur le bord de la Lena, à gauche, une grande plaine entièrement couverte d’arbres renversés, et que tous ces arbres sont couchés du sud au nord en ligne droite, sur une étendue de plusieurs lieues ; en sorte que tout ce district, autrefois couvert d’une épaisse forêt, est aujourd’hui jonché d’arbres dans cette même direction du sud au nord : cet effet des vents méridionaux dans le Nord a aussi été remarqué ailleurs.

Dans le Groenland, principalement en automne, il règne des vents si impétueux, que les maisons s’en ébranlent et se fendent ; les tentes et les bateaux en sont emportés dans les airs. Les Groenlandais assurent même que, quand ils veulent sortir pour mettre leurs canots à l’abri, ils sont obligés de ramper sur le ventre, de peur d’être le jouet des vents. En été, on voit s’élever de semblables tourbillons qui bouleversent les flots de la mer et font pirouetter les bateaux. Les plus fières tempêtes viennent du sud, tournent au nord et s’y calment : c’est alors que la glace des baies est enlevée de son lit, et se disperse sur la mer en monceaux[1].


II. — Sur les trombes.

M. de la Nux, que j’ai déjà eu occasion de citer plusieurs fois dans mon ouvrage, et qui a demeuré plus de quarante ans dans l’île Bourbon, s’est trouvé à portée de voir un grand nombre de trombes, sur lesquelles il a bien voulu me communiquer ses observations, que je crois devoir donner ici par extrait.

Les trombes que cet observateur a vues se sont formées : 1o dans des jours calmes et des intervalles de passage du vent de la partie du nord à celle du sud, quoiqu’il en ait vu une qui s’est formée avant ce passage du vent à l’autre, et dans le courant même d’un vent de nord, c’est-à-dire assez longtemps avant que ce vent eût cessé ; le nuage duquel cette trombe dépendait, et auquel elle tenait, était encore violemment poussé ; le soleil se montrait en même temps derrière lui, eu égard à la direction du vent : c’était le 6 janvier, vers les onze heures du matin.

2o Ces trombes se sont formées pendant le jour dans des nuées détachées, fort épaisses en apparence, bien plus étendues que profondes, et bien terminées par-dessous parallèlement à l’horizon, le dessous de ces nuées paraissant toujours fort noir.

3o Toutes ces trombes se sont montrées d’abord sous la forme de cônes renversés, dont les bases étaient plus ou moins larges.

4o De ces différentes trombes, qui s’annonçaient par ces cônes renversés, et qui quelquefois tenaient au même nuage, quelques-unes n’ont pas eu leur entier effet : les unes se sont dissipées à une petite distance du nuage, les autres sont descendues vers la surface de la mer, et en apparence fort près, sous la forme d’un long cône aplati, très étroit et pointu par le bas. Dans le centre de ce cône, et sur toute sa longueur, régnait un canal blanchâtre, transparent, et d’un tiers environ du diamètre du cône, dont les deux côtés étaient fort noirs, surtout dans le commencement de leur apparence.

  1. Histoire générale des voyages, t. XVIII, p. 22.