Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/33

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pas exactes, que, par exemple, nous ne sommes pas sûrs qu’on puisse tirer une ligne de séparation entre le règne animal et le règne végétal, ou bien entre le règne végétal et le minéral, et que dans la nature il peut se trouver des choses qui participent également des propriétés de l’un et de l’autre, lesquelles par conséquent ne peuvent entrer ni dans l’une ni dans l’autre de ces divisions.

À cela je réponds que, s’il existe des choses qui soient exactement moitié animal et moitié plante, ou moitié plante et moitié minéral, etc., elles nous sont encore inconnues ; en, sorte que dans le fait la division est entière et exacte, et l’on sent bien que plus les divisions seront générales, moins il y aura de risque de rencontrer des objets mi-partis qui participeraient de la nature des deux choses comprises dans ces divisions, en sorte que cette même objection que nous avons employée avec avantage contre les distributions particulières ne peut avoir lieu lorsqu’il s’agira de divisions aussi générales que l’est celle-ci, surtout si l’on ne rend pas ces divisions exclusives, et si l’on ne prétend pas y comprendre sans exception, non seulement tous les êtres connus, mais encore tous ceux qu’on pourrait découvrir à l’avenir. D’ailleurs, si l’on y fait attention, l’on verra bien que nos idées générales n’étant composées que d’idées particulières, elles sont relatives à une échelle continue d’objets, de laquelle nous n’apercevons nettement que les milieux, et dont les deux extrémités fuient et échappent toujours de plus en plus à nos considérations, de sorte que nous ne nous attachons jamais qu’au gros des choses, et que par conséquent on ne doit pas croire que nos idées, quelque générales qu’elles puissent être, comprennent les idées particulières de toutes les choses existantes et possibles.

La seconde objection qu’on nous fera sans doute, c’est qu’en suivant dans notre ouvrage l’ordre que nous avons indiqué, nous tomberons dans l’inconvénient de mettre ensemble des objets très différents ; par exemple, dans l’histoire des animaux, si nous commençons par ceux qui nous sont les plus utiles, les plus familiers, nous serons obligés de donner l’histoire du chien après ou avant celle du cheval, ce qui ne paraît pas naturel, parce que ces animaux sont si différents à tous autres égards, qu’ils ne paraissent point du tout faits pour être mis si près l’un de l’autre dans un traité d’histoire naturelle ; et on ajoutera peut-être qu’il aurait mieux valu suivre la méthode ancienne de la division des animaux en solipèdes, pieds-fourchus, et fissipèdes, ou la méthode nouvelle de la division des animaux par les dents et les mamelles, etc.

Cette objection, qui d’abord pourrait paraître spécieuse, s’évanouira dès qu’on l’aura examinée. Ne vaut-il pas mieux ranger, non seulement dans un traité d’histoire naturelle, mais même dans un tableau ou partout ailleurs, les objets dans l’ordre et dans la position où ils se trouvent ordinairement, que de les forcer à se trouver ensemble en vertu d’une supposition ? Ne vaut-