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« Environ à dix lieues de Modène, dans un endroit appelé Barigazzo, il y a encore cinq ou six bouches où paraissent des flammes dans certains temps qui s’éteignent par un vent violent : il y a aussi des vapeurs qui demandent l’approche d’un corps enflammé pour prendre feu… Mais, malgré les restes non équivoques d’anciens volcans éteints, qui subsistent dans la plupart de ces montagnes, les feux qui s’y voient aujourd’hui ne sont point de nouveaux volcans qui s’y forment, puisque ces feux ne jettent aucune substance de volcans[1]. »

Les eaux thermales, ainsi que les fontaines de pétrole et des autres bitumes et huiles terrestres, doivent être regardées comme une autre nuance entre les volcans éteints et les volcans en action : lorsque les feux souterrains se trouvent voisins d’une mine de charbon, ils la mettent en distillation, et c’est là l’origine de la plupart des sources de bitume ; ils causent de même la chaleur des eaux thermales qui coulent dans leur voisinage ; mais ces feux souterrains brûlent tranquillement aujourd’hui ; on ne reconnaît leurs anciennes explosions que par les matières qu’ils ont autrefois rejetées : ils ont cessé d’agir lorsque les mers s’en sont éloignées ; et je ne crois pas, comme je l’ai dit, qu’on ait jamais à craindre le retour de ces funestes explosions, puisqu’il y a toute raison de penser que la mer se retirera toujours de plus en plus.


IV. — Des laves et basaltes.

À tout ce que nous venons d’exposer au sujet des volcans, nous ajouterons quelques considérations sur le mouvement des laves, sur le temps nécessaire à leur refroidissement et sur celui qu’exige leur conversion en terre végétale.

La lave qui s’écoule ou jaillit du pied des éminences formées par les matières que le volcan vient de rejeter, est un verre impur en liquéfaction, et dont la matière tenace et visqueuse n’a qu’une demi-fluidité : ainsi les torrents de cette matière vitrifiée coulent lentement en comparaison des torrents d’eau, et néanmoins ils arrivent souvent à d’assez grandes distances ; mais il y a dans ces torrents de feu un mouvement de plus que dans les torrents d’eau ; ce mouvement tend à soulever toute la masse qui coule, et il est produit par la force expansive de la chaleur dans l’intérieur du torrent embrasé ; la surface extérieure se refroidissant la première, le feu liquide continue à couler au-dessous, et comme l’action de la chaleur se fait en tous sens, ce feu, qui cherche à s’échapper, soulève les parties supérieures déjà consolidées et souvent les force à s’élever perpendiculairement ; c’est de là que proviennent ces grosses masses de lave en forme de rochers qui se trouvent dans le cours de presque tous les torrents où la pente n’est pas rapide. Par l’effort de cette chaleur intérieure, la lave fait souvent des explosions, sa surface s’entr’ouvre, et la matière liquide jaillit de l’intérieur et forme ces masses élevées au-dessus du niveau du torrent. Le P. de la Torré est, je crois, le premier qui ait remarqué ce mouvement intérieur dans les laves ardentes, et ce mouvement est d’autant plus violent qu’elles ont plus d’épaisseur et que la pente est plus douce ; c’est un effet général et commun dans toutes les matières liquéfiées par le feu, et dont on peut donner des exemples que tout le monde est à portée de vérifier dans les forges[2]. Si l’on observe les gros lingots de fonte de fer

  1. Mémoire sur le pétrole, par M. Fougeroux de Bondaroy, dans ceux de l’Académie des sciences, année 1770, p. 45 et suiv.
  2. La lave des fourneaux à fondre le fer subit les mêmes effets ; lorsque cette matière vitreuse coule lentement sur la dame, et qu’elle s’accumule à sa base, on voit se former des éminences, qui sont des bulles de verre concaves, sous une forme hémisphérique. Ces bulles crèvent, lorsque la force expansive est très active, et que la matière a moins de fluidité ; alors il en sort avec bruit un jet rapide de flamme ; lorsque cette matière vitreuse est assez adhérente pour souffrir une grande dilatation, ces bulles, qui se forment à sa surface, pren-