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» Ce bois paraît plutôt charbonnifié que pétrifié ; comment un arbre se trouve-t-il si avant dans la terre ? est-ce que le terrain où on l’a trouvé a été jadis aussi bas ? Si cela est, comment ce terrain aurait-il pu augmenter ainsi de 150 pieds ? d’où serait venue toute cette terre ?

» Les sept pieds de tourtia que M. Laurent a observés, se trouvant répandus de même dans tous les autres puits à charbon de dix lieues à la ronde, sont donc une production postérieure à ce grand amas supposé de terre.

» Je vous laisse, Monsieur, la chose à décider ; vous vous êtes assez familiarisé avec la nature pour en comprendre les mystères les plus cachés : ainsi je ne doute pas que vous n’expliquiez ceci aisément[1]. »

M. Fougeroux de Bondaroy, de l’Académie royale des sciences, rapporte plusieurs faits sur les bois pétrifiés, dans un mémoire qui mérite des éloges, et dont voici l’extrait :

» Toutes les pierres fibreuses et qui ont quelque ressemblance avec le bois ne sont pas du bois pétrifié, mais il y en a beaucoup d’autres qu’on aurait tort de ne pas regarder comme telles, surtout si l’on y remarque l’organisation propre aux végétaux…

» On ne manque pas d’observations qui prouvent que le bois peut se convertir en pierre, au moins aussi aisément que plusieurs autres substances qui éprouvent incontestablement cette transmutation ; mais il n’est pas aisé d’expliquer comment elle se fait ; j’espère qu’on me permettra de hasarder sur cela quelques conjectures que je tâcherai d’appuyer sur des observations.

» On trouve des bois qui, étant, pour ainsi dire, à demi pétrifiés, s’éloignent peu de la pesanteur du bois ; ils se divisent aisément par feuillets ou même par filaments, comme certains bois pourris ; d’autres, plus pétrifiés, ont le poids, la dureté et l’opacité de la pierre de taille ; d’autres, dont la pétrification est encore plus parfaite, prennent le même poli que le marbre, pendant que d’autres acquièrent celui des belles agates orientales. J’ai un très beau morceau qui a été envoyé de la Martinique à M. Duhamel, qui est changé en une très belle sardoine ; enfin on en trouve de converti en ardoise. Dans ces morceaux, on en trouve qui ont tellement conservé l’organisation du bois qu’on y découvre avec la loupe tout ce qu’on pourrait voir dans un morceau de bois non pétrifié.

» Nous en avons trouvé qui sont encroûtés par une mine de fer sableuse, et d’autres sont pénétrés d’une substance qui, étant plus chargée de soufre et de vitriol, les rapproche de l’état de pyrites ; quelques-uns sont, pour ainsi dire, lardés par une mine de fer très pure, d’autres sont traversés par des veines d’agate très noire.

» On trouve des morceaux de bois dont une partie est convertie en pierre et l’autre en agate ; la partie qui n’est convertie qu’en pierre est tendre, tandis que l’autre a la dureté des pierres précieuses.

» Mais comment certains morceaux, quoique convertis en agate très dure, conservent-ils des caractères d’organisation très sensibles, les cercles concentriques, les insertions, l’extrémité des tuyaux destinés à porter la sève, la distinction de l’écorce, de l’aubier et du bois ? Si l’on imaginait que la substance végétale fut entièrement détruite, ils ne devraient représenter qu’une agate sans les caractères d’organisation dont nous parlons ; si, pour conserver cette apparence d’organisation, on voulait que le bois subsistât, et qu’il n’y eût que les pores qui fussent remplis par le suc pétrifiant, il semble que l’on pourrait extraire de l’agate les parties végétales : cependant je n’ai pu y parvenir en aucune manière. Je pense donc que les morceaux dont il s’agit ne contiennent aucune partie qui ait conservé la nature du bois ; et, pour rendre sensible mon idée, je

  1. Lettre de M. Dumonchau à M. de Buffon. Douai, 29 janvier 1755.