Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/38

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attention aussi grande que celle qu’on leur a donnée dans ces derniers temps ; et quelque reproche que les modernes puissent faire aux anciens, il me paraît qu’Aristote, Théophraste et Pline, qui ont été les premiers naturalistes, sont aussi les plus grands à certains égards. L’histoire des animaux d’Aristote est peut-être encore aujourd’hui ce que nous avons de mieux fait en ce genre, et il serait fort à désirer qu’il nous eût laissé quelque chose d’aussi complet sur les végétaux et sur les minéraux, mais les deux livres des plantes que quelques auteurs lui attribuent ne ressemblent pas à ses autres ouvrages et ne sont pas en effet de lui[1]. Il est vrai que la botanique n’était pas fort en honneur de son temps : les Grecs, et même les Romains, ne la regardaient pas comme une science qui dût exister par elle-même et qui dût faire un objet à part, ils ne la considéraient que relativement à l’agriculture, au jardinage, à la médecine et aux arts ; et quoique Théophraste, disciple d’Aristote, connût plus de cinq cents genres de plantes, et que Pline en cite plus de mille, ils n’en parlent que pour nous en apprendre la culture, ou pour nous dire que les unes entrent dans la composition des drogues, que les autres sont d’usage pour les arts, que d’autres servent à orner nos jardins, etc., en un mot, ils ne les considèrent que par l’utilité qu’on en peut tirer, et ils ne se sont pas attachés à les décrire exactement.

L’histoire des animaux leur était mieux connue que celle des plantes. Alexandre donna des ordres et fit des dépenses très considérables pour rassembler des animaux et en faire venir de tous les pays, et il mit Aristote en état de les bien observer ; il paraît par son ouvrage qu’il les connaissait peut-être mieux et sous des vues plus générales qu’on ne les connaît aujourd’hui. Enfin quoique les modernes aient ajouté leurs découvertes à celles des anciens, je ne vois pas que nous ayons sur l’histoire naturelle beaucoup d’ouvrages modernes qu’on puisse mettre au-dessus de ceux d’Aristote et de Pline ; mais comme la prévention naturelle qu’on a pour son siècle pourrait persuader que ce que je viens de dire est avancé témérairement, je vais faire en peu de mots l’exposition du plan de leurs ouvrages.

Aristote commence son histoire des animaux par établir des différences et des ressemblances générales entre les différents genres d’animaux ; au lieu de les diviser par de petits caractères particuliers, comme l’ont fait les modernes, il rapporte historiquement tous les faits et toutes les observations qui portent sur des rapports généraux et sur des caractères sensibles ; il tire ces caractères de la forme, de la couleur, de la grandeur et de toutes les qualités extérieures de l’animal entier, et aussi du nombre et de la position de ses parties, de la grandeur, du mouvement, de la forme de ses membres, des rapports semblables ou différents qui se trouvent dans ces mêmes parties comparées, et il donne partout des exemples pour se faire


  1. Voyez le Commentaire de Scaliger.