Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/442

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ment l’atmosphère au solstice d’hiver qu’au solstice d’été ; 3o par la plus grande proximité de la terre au soleil en hiver qu’en été ; 4o par la diminution de la continuité de la chaleur produite par la moindre durée du jour ou par la plus longue absence du soleil au solstice d’hiver, qui, dans notre climat, est à peu près double de celle du solstice d’été, on ne pourra pas douter que la différence ne soit en effet très grande et environ de 66 à 1 dans notre climat, et cette vérité de théorie peut être regardée comme aussi certaine que la seconde vérité qui est d’expérience, et qui nous démontre, par les observations du thermomètre exposé immédiatement aux rayons du soleil en hiver et en été, que la différence de la chaleur réelle dans ces deux temps n’est néanmoins tout au plus que de 7 à 6 ; je dis tout au plus, car cette détermination donnée par M. Amontons n’est pas à beaucoup près aussi exacte que celle qui a été faite par M. de Mairan, d’après un grand nombre d’observations ultérieures, par lesquelles il prouve que ce rapport est : : 32 : 31. Que doit donc indiquer cette prodigieuse inégalité entre ces deux rapports de l’action de la chaleur solaire en été et en hiver, qui est de 66 à 1, et de celui de la chaleur réelle qui n’est que, de 32 à 31 de l’été à l’hiver ? N’est-il pas évident que la chaleur propre du globe de la terre est nombre de fois plus grande que celle qui lui vient du soleil ? Il paraît en effet que, dans le climat de Paris, cette chaleur de la terre est 29 fois plus grande en été, et 491 fois plus grande en hiver que celle du soleil, comme l’a déterminé M. de Mairan. Mais j’ai déjà averti qu’on ne devait pas conclure de ces deux rapports combinés le rapport réel de la chaleur du globe de la terre à celle qui lui vient du soleil, et j’ai donné les raisons qui m’ont décidé à supposer qu’on peut estimer cette chaleur du soleil cinquante fois moindre que la chaleur qui émane de la terre.

Il nous reste maintenant à rendre compte des observations faites avec les thermomètres. On a recueilli, depuis l’année 1701 jusqu’en 1756 inclusivement, le degré du plus grand chaud et celui du plus grand froid qui s’est fait à Paris chaque année ; on en a fait une somme, et l’on a trouvé qu’année commune tous les thermomètres, réduits à la division de Réaumur, ont donné 1 026, pour la plus grande chaleur de l’été, c’est-à-dire 26 degrés au-dessus du point de la congélation de l’eau. On a trouvé de même que le degré commun du plus grand froid de l’hiver a été pendant ces cinquante-six années de 994, ou de 6 degrés au-dessous de la congélation de l’eau ; d’où l’on a conclu, avec raison, que le plus grand chaud de nos étés à Paris ne diffère du plus grand froid de nos hivers que de 1/32, puisque 991 : 1 026 : : 31 : 32. C’est sur ce fondement que nous avons dit que le rapport du plus grand chaud au plus grand froid n’était que : : 31 : 32. Mais on peut objecter contre la précision de cette évaluation le défaut de construction du thermomètre, division de Réaumur, auquel on réduit ici l’échelle de tous les autres, et ce défaut est de ne partir que de 1 000 degrés au-dessous de la glace, comme si ce millième degré était en effet celui du froid absolu, tandis que le froid absolu n’existe point dans la nature, et que celui de la plus petite chaleur devrait être supposé de 10 000 au lieu de 1 000, ce qui changerait la graduation du thermomètre. On peut encore dire qu’à la vérité il n’est pas impossible que toutes nos sensations entre le plus grand chaud et le plus grand froid soient comprises dans un aussi petit intervalle que celui d’une unité sur 32 de chaleur, mais que la voix du sentiment semble s’élever contre cette opinion, et nous dire que cette limite est trop étroite, et que c’est bien assez réduire cet intervalle que de lui donner un huitième ou un septième au lieu d’un trente-deuxième.

Mais, quoi qu’il en soit de cette évaluation, qui se trouvera peut-être encore trop forte lorsqu’on aura des thermomètres mieux construits, on ne peut pas douter que la chaleur de la terre, qui sert de base à la chaleur réelle que nous éprouvons ne soit très considérablement plus grande que celle qui nous vient du soleil, et que cette dernière n’en soit qu’un petit complément. De même, quoique les thermomètres dont en s’est servi pèchent par le principe de leur construction et par quelques autres défauts dans leur graduation,