Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/73

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faire attention à la hauteur de la montagne et juger de la force immense qui serait nécessaire pour pousser des pierres et des minéraux à une demi-lieue de hauteur ; car l’Etna, l’Hécla et plusieurs autres volcans ont au moins cette élévation au-dessus des plaines. Or on sait que l’action du feu se fait en tout sens ; elle ne pourrait donc pas s’exercer en haut avec une force capable de lancer de grosses pierres à une demi-lieue en hauteur, sans réagir avec la même force en bas et vers les côtés ; cette réaction aurait bientôt détruit et percé la montagne de tous côtés, parce que les matières qui la composent ne sont pas plus dures que celles qui sont lancées ; et comment imaginer que la cavité qui sert de tuyau ou de canon pour conduire ces matières jusqu’à l’embouchure du volcan puisse résister à une si grande violence ? D’ailleurs, si cette cavité descendait fort bas, comme l’orifice extérieur n’est pas fort grand, il serait comme impossible qu’il en sortît à la fois une aussi grande quantité de matières enflammées et liquides, parce qu’elles se choqueraient entre elles et contre les parois du tuyau, et qu’en parcourant un espace aussi long, elles s’éteindraient et se durciraient[NdÉ 1]. On voit souvent couler du sommet du volcan dans les plaines des ruisseaux de bitume et de soufre fondu qui viennent de l’intérieur, et qui sont jetés au dehors avec les pierres et les minéraux. Est-il naturel d’imaginer que des matières si peu solides, et dont la masse donne si peu de prise à une violente action, puissent être lancées d’une grande profondeur ? Toutes les observations qu’on fera sur ce sujet prouveront que le feu des volcans n’est pas éloigné du sommet de la montagne, et qu’il s’en faut bien qu’il descende[1] au niveau des plaines.

Cela n’empêche pas cependant que son action ne se fasse sentir dans ces plaines par des secousses et des tremblements de terre qui s’étendent quelquefois à une très grande distance, qu’il ne puisse y avoir des voies souterraines par où la flamme et la fumée peuvent se[2] communiquer d’un volcan à un autre, et que, dans ce cas, ils ne puissent agir et s’enflammer presque en même temps ; mais c’est du foyer de l’embrasement que nous parlons : il ne peut être qu’à une petite distance de la bouche du volcan, et il n’est pas nécessaire, pour produire un tremblement de terre dans la plaine, que ce foyer soit au-dessous du niveau de la plaine, ni qu’il y ait des cavités intérieures remplies du même feu ; car une violente explosion, telle qu’est celle d’un volcan, peut, comme celle d’un magasin à poudre, donner une secousse assez violente pour qu’elle produise par sa réaction un tremblement de terre.

Je ne prétends pas dire pour cela qu’il n’y ait des tremblements de terre

  1. Voyez Borelli, De incendiis Ætnæ, etc.
  2. Voyez Trans. phil. Abr., vol. ii, p. 392.
  1. Il est cependant admis aujourd’hui par tous les géologues que les volcans correspondent avec des régions très profondes du globe terrestre, soit qu’on admette que le centre même du globe est encore liquide, soit qu’on rejette cette hypothèse.