Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/88

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causes, et peut-être par toutes les deux, a pu être telle qu’elle aura changé la première direction du mouvement d’impulsion, et qu’il a pu en résulter un mouvement tel que nous l’observons aujourd’hui dans les planètes, surtout en supposant que le choc de la comète a déplacé le soleil ; car, pour donner un exemple qui rendra ceci plus sensible, supposons qu’on tirât du haut d’une montagne une balle de mousquet, et que la force de la poudre fût assez grande pour la pousser au delà du demi-diamètre de la terre, il est certain que cette balle tournerait autour du globe et reviendrait à chaque révolution passer au point d’où elle aurait été tirée ; mais si, au lieu d’une balle de mousquet, nous supposons qu’on ait tiré une fusée volante où l’action du feu serait durable et accélérerait beaucoup le mouvement d’impulsion, cette fusée, ou plutôt la cartouche qui la contient, ne reviendrait pas au même point, comme la balle de mousquet, mais décrirait un orbe dont le périgée serait d’autant plus éloigné de la terre que la force d’accélération aurait été plus grande et aurait changé davantage la première direction, toutes choses étant supposées égales d’ailleurs. Ainsi, pourvu qu’il y ait eu de l’accélération dans le mouvement d’impulsion communiqué au torrent de matière par la chute de la comète, il est très possible que les planètes, qui se sont formées dans ce torrent, aient acquis le mouvement que nous leur connaissons dans des cercles ou des ellipses dont le soleil est le centre ou le foyer.

La manière dont se font les grandes irruptions des volcans peut nous donner une idée de cette accélération de mouvement dans le torrent dont nous parlons : on a observé que, quand le Vésuve commence à mugir et à rejeter les matières dont il est embrasé, le premier tourbillon qu’il vomit n’a qu’un certain degré de vitesse ; mais cette vitesse est bientôt accélérée par l’impulsion d’un second tourbillon qui succède au premier, puis par l’action d’un troisième, et ainsi de suite ; les ondes pesantes de bitume, de soufre, de cendres, de métal fondu paraissent des nuages massifs, et, quoiqu’ils se succèdent toujours à peu près dans la même direction, ils ne laissent pas de changer beaucoup celle du premier tourbillon, et de le pousser ailleurs et plus loin qu’il ne serait parvenu tout seul.

D’ailleurs ne peut-on pas répondre à cette objection que, le soleil ayant été frappé par la comète, et ayant reçu une partie de son mouvement d’impulsion, il aura lui-même éprouvé un mouvement qui l’aura déplacé, et que, quoique ce mouvement du soleil soit maintenant trop peu sensible pour que dans de petits intervalles de temps les astronomes aient pu l’apercevoir, il se peut cependant que ce mouvement existe encore, et que le soleil se meuve lentement vers différentes parties de l’univers, en décrivant une courbe autour du centre de gravité de tout le système ? et si cela est, comme je le présume, on voit bien que les planètes, au lieu de revenir auprès du soleil à chaque révolution, auront au contraire décrit des orbites dont les points des périhélies sont d’autant plus éloignés de cet astre, qu’il s’est plus éloigné lui-même du lieu qu’il occupait anciennement.

Je sens bien qu’on pourra me dire que, si l’accélération du mouvement se fait dans la même direction, cela ne change pas le point du périhélie qui sera toujours à la surface du soleil ; mais doit-on croire que, dans un torrent dont les parties se sont succédé, il n’y a eu aucun changement de direction ? Il est, au contraire, très probable qu’il y a eu un assez grand changement de direction, pour donner aux planètes le mouvement qu’elles ont.

On pourra me dire aussi que, si le soleil a été déplacé par le choc de la comète, il a dû se mouvoir uniformément, et que dès lors ce mouvement étant commun à tout le système, il n’a dû rien changer ; mais le soleil ne pouvait-il pas avoir avant le choc un mouvement autour du centre de gravité du système cométaire, auquel mouvement primitif le choc de la comète aura ajouté une augmentation ou une diminution ? Et cela suffirait encore pour rendre raison du mouvement actuel des planètes.

Enfin, si l’on ne veut admettre aucune de ces suppositions, ne peut-on pas présumer,