Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 1.pdf/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mer Noire, avec l’étendue que nous leur supposons dans le temps de leur continuité, c’est-à-dire avant l’ouverture du Bosphore, on sera convaincu que la surface de ces eaux étant alors plus que double de ce qu’elle est aujourd’hui, l’évaporation seule suffisait pour en maintenir l’équilibre sans débordement.

Ce bassin, qui était alors peut-être aussi grand que l’est aujourd’hui celui de la Méditerranée, recevait et contenait les eaux de tous les fleuves de l’intérieur du continent de l’Asie, lesquelles, par la position des montagnes, ne pouvaient s’écouler d’aucun côté pour se rendre dans l’Océan : ce grand bassin était le réceptacle commun des eaux du Danube, du Don, du Volga, du Jaïk, du Sirderoias et de plusieurs autres rivières très considérables, qui arrivent à ces fleuves ou qui tombent immédiatement dans ces mers intérieures. Ce bassin, situé au centre du continent, recevait les eaux des terres de l’Europe dont les pentes sont dirigées vers le cours du Danube, c’est-à-dire de la plus grande partie de l’Allemagne, de la Moldavie, de l’Ukraine et de la Turquie d’Europe ; il recevait de même les eaux d’une grande partie des terres de l’Asie au nord, par le Don, le Donjec, le Volga, le Jaïk, etc., et au midi par le Sirderoias et l’Oxus, ce qui présente une très vaste étendue de terre dont toutes les eaux se versaient dans ce réceptacle commun, tandis que le bassin de la Méditerranée ne recevait alors que celles du Nil, du Rhône, du Pô, et de quelques autres rivières : de sorte qu’en comparant l’étendue des terres qui fournissent les eaux à ces derniers fleuves, on reconnaîtra évidemment que cette étendue est de moitié plus petite. Nous sommes donc bien fondés à présumer qu’avant la rupture du Bosphore et celle du détroit de Gibraltar, la mer Noire, réunie avec la mer Caspienne et l’Aral, formait un bassin d’une étendue double de ce qu’il en reste, et qu’au contraire la Méditerranée était dans le même temps de moitié plus petite qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Tant que les barrières du Bosphore et de Gibraltar ont subsisté, la Méditerranée n’était donc qu’un lac d’assez médiocre étendue, dont l’évaporation suffisait à la recette des eaux du Nil, du Rhône et des autres rivières qui lui appartiennent ; mais en supposant, comme les traditions semblent l’indiquer, que le Bosphore se soit ouvert le premier, la Méditerranée aura dès lors considérablement augmenté et en même proportion que le bassin supérieur de la mer Noire et de la Caspienne aura diminué : ce grand effet n’a rien que très naturel, car les eaux de la mer Noire, supérieures à celles de la Méditerranée, agissant continuellement par leur poids et par leur mouvement contre les terres qui fermaient le Bosphore, elles les auront minées par la base, elles en auront attaqué les endroits les plus faibles, ou peut-être auront-elles été amenées par quelque affaissement causé par un tremblement de terre, et s’étant une fois ouvert cette issue, elles auront inondé toutes les terres inférieures et causé le plus ancien déluge de notre continent ; car il