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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 1.pdf/129

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de la terre, tandis que la séparation des deux continents du côté de l’Europe n’a pu se faire qu’en submergeant à jamais les terres qui les réunissaient ; il en est de même de la plus grande partie des terrains actuellement couverts par les eaux de la Méditerranée ; ils ont été submergés pour toujours dès les temps où les portes se sont ouvertes aux deux extrémités de cette mer intérieure pour recevoir les eaux de la mer Noire et celles de l’Océan.

Ces événements, quoique postérieurs à l’établissement des animaux terrestres dans les contrées du nord, ont peut-être précédé leur arrivée dans les terres du midi ; car nous avons démontré, dans l’époque précédente, qu’il s’est écoulé bien des siècles avant que les éléphants de Sibérie aient pu venir en Afrique ou dans les parties méridionales de l’Inde. Nous avons compté dix mille ans pour cette espèce de migration qui ne s’est faite qu’à mesure du refroidissement successif et fort lent des différents climats depuis le cercle polaire à l’équateur. Ainsi la séparation des continents, la submersion des terres qui les réunissaient, celle des terrains adjacents à l’ancien lac de la Méditerranée, et enfin la séparation de la mer Noire, de la Caspienne et de l’Aral, quoique toutes postérieures à l’établissement de ces animaux dans les contrées du nord, pourraient bien être antérieures à la population des terres du midi, dont la chaleur trop grande alors ne permettait pas aux êtres sensibles de s’y habituer, ni même d’en approcher. Le soleil était encore l’ennemi de la nature dans ces régions brûlantes de leur propre chaleur, et il n’en est devenu le père que quand cette chaleur intérieure de la terre s’est attiédie pour ne pas offenser la sensibilité des terres qui nous ressemblent. Il n’y a peut-être pas cinq mille ans que les terres de la zone torride sont habitées, tandis qu’on en doit compter au moins quinze mille depuis l’établissement des animaux terrestres dans les contrées du nord.

Les hautes montagnes, quoique situées dans les climats les plus chauds, se sont refroidies peut-être aussi promptement que celles des pays tempérés, parce qu’étant plus élevées que ces dernières, elles forment des pointes plus éloignées de la masse du globe ; l’on doit donc considérer qu’indépendamment du refroidissement général et successif de la terre depuis les pôles à l’équateur, il y a eu des refroidissements particuliers plus ou moins prompts dans toutes les montagnes et dans les terres élevées des différentes parties du globe et que, dans le temps de sa trop grande chaleur, les seuls lieux qui fussent convenables à la nature vivante ont été les sommets des montagnes et les autres terres devenues très élevées, telles que celles de la Sibérie et de la haute Tartarie.

Lorsque toutes les eaux ont été établies sur le globe, leur mouvement d’orient en occident a escarpé les revers occidentaux de tous les continents pendant tout le temps qu’a duré l’abaissement des mers : ensuite ce même mouvement d’orient en occident a dirigé les eaux contre les pentes douces des terres orientales, et l’Océan s’est emparé de leurs anciennes côtes ; et de