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encore ordinairement et à peu de chose près la même, depuis une semblable profondeur de 14 ou 15 toises jusqu’à 60, 80 ou 100 toises et au delà, plus ou moins, selon les circonstances, comme on l’éprouve dans les mines ; après quoi elle augmente et devient quelquefois si grande que les ouvriers ne sauraient y tenir et y vivre, si on ne leur procurait pas quelques rafraîchissements et un nouvel air, soit par des puits de respiration, soit par des chutes d’eau… M. de Gensanne a éprouvé dans les mines de Giromagny, à trois lieues de Béfort, que le thermomètre, étant porté à 52 toises de profondeur verticale, se soutint à 10 degrés, comme dans les caves de l’Observatoire ; qu’à 106 toises de profondeur, il était à 10 1/2 degrés ; qu’à 158 toises, il monta à 15 1/5 degrés, et qu’à 222 toises de profondeur, il s’éleva à 18 1/6 degrés. » Dissertation sur la glace, par M. de Mairan. Paris, 1749, in-12, pages 60 et suivantes.

« Plus on descend à de grandes profondeurs dans l’intérieur de la terre, dit ailleurs M. de Gensanne, plus on éprouve une chaleur sensible, qui va toujours en augmentant à mesure qu’on descend plus bas : cela est au point qu’à 1 800 pieds de profondeur au-dessous du sol du Rhin, pris à Huningue en Alsace, j’ai trouvé que la chaleur est déjà assez forte pour causer à l’eau une évaporation sensible. On peut voir le détail de mes expériences à ce sujet dans la dernière édition de l’excellent Traité de la glace, de feu mon illustre ami M. Dortous de Mairan. » Histoire naturelle du Languedoc, tome Ier, page 24.

« Tous les filons riches des mines de toute espèce, dit M. Eller, sont dans les fentes perpendiculaires de la terre, et l’on ne saurait déterminer la profondeur de ces fentes : il y en a en Allemagne où l’on descend au delà de 600 perches (lachters)[1] ; à mesure

  1. On m’assure que le lachter est une mesure à peu près égale à la brasse de 5 pieds de longueur ; ce qui donne 3 000 pieds de profondeur à ces mines.

    trouve au Palais-Royal jouit, à la profondeur de 438 mètres, d’une température de 20° centigrades seulement, ce qui donne, déduction faite de la température de la surface du sol, qui est de 16°,11 centigrades, une augmentation de chaleur de 1° centigrade par 109 mètres. Un autre puits de la même ville, profond de 273 mètres et qui a été creusé à 1 600 mètres du premier, donne 1° centigrade par 45 mètres. On a supposé que la température basse du premier puits est due probablement à l’influence réfrigérante de l’eau douce et de l’eau de mer qui peuvent filtrer à travers les couches poreuses de tuf. » (Lyell, Principes de Géologie, II, p. 262.)

    On a généralement attribué cette élévation de la température à ce que le centre de la terre serait encore formé de matières en fusion. M. Lyell fait les remarques suivantes : « Si nous adoptons, comme résultat moyen, l’évaluation de 1° centigrade pour 35 mètres de profondeur, et si nous supposons, avec les partisans de la fluidité du noyau central, que la température continue à s’accroître en descendant jusqu’à une distance indéfinie, nous atteindrons le point d’ébullition de l’eau à plus de 3 218 mètres au-dessous de la surface, et celui de la fusion du fer (plus de 1 500° centigrades suivant le pyromètre de Daniell) et de toutes les substances connues, à la profondeur de 54 716 mètres. S’il est vrai que la chaleur augmente dans la proportion que nous venons d’énoncer, nous devrions rencontrer, à peu de distance, une température plusieurs fois supérieure à celle qui suffit pour fondre les substances les plus réfractaires connues. Dans ce cas, à des profondeurs bien plus considérables, quoique encore très éloignées du noyau central, la chaleur devrait avoir une intensité telle (160 fois celle du point de fusion du fer) qu’il serait impossible de concevoir comment la croûte terrestre peut résister à son action sans se fondre. »

    D’après ces observations, il paraît difficile d’admettre que le centre de la terre soit encore en fusion. Du reste, cela n’entraînerait aucune conséquence contradictoire à l’opinion qu’elle a été d’abord constituée par une masse de substances fondues, car, d’après les calculs de Poisson, c’est d’abord la partie centrale de ce globe en fusion qui aurait dû se solidifier et se refroidir et non sa surface. (Voyez mon Introduction.)