Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 1.pdf/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à-dire à peu près 4 pouces : or, quoique ces morceaux dont il s’est servi fussent de verre commun, il est certain qu’une masse solide de 4 pouces d’épaisseur de ce même verre, n’aurait pas entièrement intercepté la lumière du soleil, d’autant que je me suis assuré, par ma propre expérience, qu’une épaisseur de 6 pouces de verre blanc la laisse passer encore assez vivement, comme on le verra dans la note suivante. Je crois donc qu’on doit plus que doubler les épaisseurs données par M. Bouguer, et que la lumière du soleil pénètre au moins à 600 pieds à travers l’eau de la mer ; car il y a une seconde inattention dans les expériences de ce savant physicien, c’est de n’avoir pas fait passer la lumière du soleil à travers son tuyau rempli d’eau de mer, de 9 pieds 7 pouces de longueur ; il s’est contenté d’y faire passer la lumière d’un flambeau, et il en a conclu la diminution dans le rapport de 14 à 5 : or, je suis persuadé que cette diminution n’aurait pas été si grande sur la lumière du soleil, d’autant que celle du flambeau ne pouvait passer qu’obliquement, au lieu que celle du soleil, passant directement, aurait été plus pénétrante par la seule incidence, indépendamment de sa pureté et de son intensité. Ainsi, tout bien considéré, il me paraît que, pour approcher le plus près qu’il est possible de la vérité, on doit supposer que la lumière du soleil pénètre dans le sein de la mer jusqu’à 110 toises ou 600 pieds de profondeur, et la chaleur jusqu’à 150 pieds. Ce n’est pas à dire pour cela qu’il ne passe encore au delà quelques atomes de lumière et de chaleur ; mais seulement que leur effet serait absolument insensible, et ne pourrait être reconnu par aucun de nos sens.


(4) Page 6, ligne 16. La chaleur du soleil ne pénètre peut-être pas à plus de 150 pieds de profondeur dans l’eau de la mer. Je crois être assuré de cette vérité par une analogie tirée d’une expérience qui me paraît décisive : avec une loupe de verre massif de 27 pouces de diamètre sur 6 pouces d’épaisseur à son centre, je me suis aperçu, en couvrant la partie du milieu, que cette loupe ne brûlait, pour ainsi dire, que par les bords, jusqu’à 4 pouces d’épaisseur, et que toute la partie plus épaisse ne produisait presque point de chaleur ; ensuite, ayant couvert toute cette loupe, à l’exception de 1 pouce d’ouverture sur son centre, j’ai reconnu que la lumière du soleil était si fort affaiblie après avoir traversé cette épaisseur de 6 pouces de verre, qu’elle ne produisait aucun effet sur le thermomètre. Je suis donc bien fondé à présumer que cette même lumière affaiblie par 150 pieds d’épaisseur d’eau, ne donnerait pas un degré de chaleur sensible.

La lumière que la lune réfléchit à nos yeux est certainement la lumière réfléchie du soleil ; cependant cette lumière n’a point de chaleur sensible, et même lorsqu’on la concentre au foyer d’un miroir ardent, qui augmente prodigieusement la chaleur du soleil, cette lumière réfléchie par la lune n’a point encore de chaleur sensible ; et celle du soleil n’aura pas plus de chaleur, dès qu’en traversant une certaine épaisseur d’eau, elle deviendra aussi faible que celle de la lune. Je suis donc persuadé qu’en laissant passer les rayons du soleil dans un large tuyau rempli d’eau, de 50 pieds de longueur seulement, ce qui n’est que le tiers de l’épaisseur que j’ai supposée, cette lumière affaiblie ne produirait sur un thermomètre aucun effet, en supposant même la liqueur du thermomètre au point de congélation ; d’où j’ai cru pouvoir conclure que, quoique la lumière du soleil perce jusqu’à 600 pieds dans le sein de la mer, sa chaleur ne pénètre pas au quart de cette profondeur.


(5) Page 7, ligne 4. Toutes les matières du globe sont de la nature du verre. Cette vérité générale, que nous pouvons démontrer par l’expérience, a été soupçonnée par Leibnitz, philosophe dont le nom fera toujours grand honneur à l’Allemagne. « Sanè plerisque creditum et a sacris etiam scriptoribus insinuatum est, conditos in abdito telluris ignis thesauros… Adjuvant vultus ; nam omnis ex fusione scoriæ vitri est