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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 1.pdf/178

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main. Voici l’extrait de sa relation à ce sujet : « Je trouvai, dit-il, à deux lieues de Calamba, dans l’île de Luçon, près du village des Bally, un ruisseau dont l’eau était chaude, au point que le thermomètre, division de Réaumur, plongé dans ce ruisseau à une lieue de sa source, marquait encore 69 degrés. J’imaginais, en voyant un pareil degré de chaleur, que toutes les productions de la nature devaient être éteintes sur les bords du ruisseau, et je fus très surpris de voir trois arbrisseaux très vigoureux, dont les racines trempaient dans cette eau bouillante, et dont les branches étaient environnées de sa vapeur ; elle était si considérable que les hirondelles qui osaient traverser ce ruisseau à la hauteur de sept ou huit pieds y tombaient sans mouvement : l’un de ces trois arbrisseaux était un agnus castus, et les deux autres, des aspalatus. Pendant mon séjour dans ce village, je ne bus d’autre eau que celle de ce ruisseau, que je faisais refroidir : son goût me parut terreux et ferrugineux ; on a construit différents bains sur ce ruisseau, dont les degrés de chaleur sont proportionnés à la distance de la source. Ma surprise redoubla lorsque je vis le premier bain : des poissons nageaient dans cette eau où je ne pouvais plonger la main ; je fis tout ce qu’il me fut possible pour me procurer quelques-uns de poissons, mais leur agilité et la maladresse des gens du pays ne me permirent pas d’en prendre un seul. Je les examinai nageant, mais la vapeur de l’eau ne me permit pas de les distinguer assez bien pour les rapprocher de quelques genres : je les reconnus cependant pour des poissons à écailles brunes ; la longueur des plus grands était de quatre pouces. J’ignore comment ces poissons sont parvenus dans ces bains. » M. Sonnerat appuie son récit du témoignage de M. Prevost, commissaire de la marine, qui a parcouru avec lui l’intérieur de l’île de Luçon. Voici comment est conçu ce témoignage : « Vous avez eu raison, Monsieur, de faire part à M. de Buffon des observations que vous avez rassemblées dans le voyage que nous avons fait ensemble. Vous désirez que je confirme par écrit celle qui nous a si fort surpris dans le village de Bally, situé sur le bord de la Laguna de Manille, à Los-Bagnos : je suis fâché de n’avoir point ici la note de nos observations faites avec le thermomètre de M. de Réaumur ; mais je me rappelle très bien que l’eau du petit ruisseau qui passe dans ce village pour se jeter dans le lac, fit monter le mercure à 66 ou 67 degrés, quoiqu’il n’eût été plongé qu’à une lieue de sa source ; les bords de ce ruisseau sont garnis d’un gazon toujours vert. Vous n’aurez sûrement pas oublié cet agnus castus que nous avons vu en fleurs, dont les racines étaient mouillées de l’eau de ce ruisseau, et la tige continuellement enveloppée de la fumée qui en sortait. Le Père franciscain, curé de la paroisse de ce village, m’a aussi assuré avoir vu des poissons dans ce même ruisseau : quant à moi, je ne puis le certifier ; mais j’en ai vu dans l’un des bains, dont la chaleur faisait monter le mercure à 48 et 50 degrés. Voilà ce que vous pouvez certifier avec assurance. Signé Prevost. » Voyage à la nouvelle-Guinée, par M. Sonnerat, correspondant de l’Académie des Sciences et du Cabinet du Roi. Paris 1776, page 38 et suivantes.

Je ne sache pas qu’on ait trouvé des poissons dans nos eaux thermales, mais il est certain que, dans celles même qui sont les plus chaudes, le fond du terrain est tapissé de plantes. M. l’abbé Mazéas dit expressément que, dans l’eau presque bouillante de la solfatare de Viterbe, le fond du bassin est couvert des mêmes plantes qui croissent au fond des lacs et des marais. Mémoires des savants étrangers, tome V, page 325.


(22) Page 53, ligne 20. Il paraît, par les monuments qui nous restent, qu’il y a eu des géants dans plusieurs espèces d’animaux.[NdÉ 1] Les grosses dents à pointes mousses dont

  1. La plupart des récits relatifs aux géants, écrits il y a quelques siècles, reposent sur des erreurs de diagnostic ; on attribuait à l’homme ou à un animal déterminé des os ou des dents d’un autre animal beaucoup plus grand.