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PREMIÈRE ÉPOQUE

LORSQUE LA TERRE ET LES PLANÈTES ONT PRIS LEUR FORME.

Dans ce premier temps, où la terre en fusion, tournant sur elle-même, a pris sa forme et s’est élevée sur l’équateur en s’abaissant sous les pôles, les autres planètes étaient dans le même état de liquéfaction, puisqu’en tournant sur elles-mêmes, elles ont pris, comme la terre, une forme renflée sur leur équateur et aplatie sous leurs pôles, et que ce renflement et cette dépression sont proportionnels à la vitesse de leur rotation. Le globe de Jupiter nous en fournit la preuve : comme il tourne beaucoup plus vite que celui de la terre, il est en conséquence bien plus élevé sur son équateur et plus abaissé sous ses pôles : car les observations nous démontrent que les deux diamètres de cette planète diffèrent de plus d’un treizième, tandis que ceux de la terre ne diffèrent que d’une deux cent trentième partie ; elles nous montrent aussi que dans Mars, qui tourne près d’une fois moins vite que la terre, cette différence entre les deux diamètres n’est pas assez sensible pour être mesurée par les astronomes ; et que dans la lune, dont le mouvement de rotation est encore bien plus lent, les deux diamètres paraissent égaux. La vitesse de la rotation des planètes est donc la seule cause de leur renflement sur l’équateur, et ce renflement, qui s’est fait en même temps que leur aplatissement sous les pôles, suppose une fluidité entière dans toutes les masses de ces globes, c’est-à-dire un état de liquéfaction causé par le feu[1].

D’ailleurs toutes les planètes circulant autour du soleil dans le même sens, et presque dans le même plan, elles paraissent avoir été mises en mouvement par une impulsion commune et dans un même temps : leur mouvement de circulation et leur mouvement de rotation sont contemporains, aussi bien que leur état de fusion ou de liquéfaction par le feu, et ces mouvements ont nécessairement été précédés par l’impulsion qui les a produits.

Dans celle des planètes dont la masse a été frappée le plus obliquement, le mouvement de rotation a été le plus rapide ; et par cette rapidité de rotation, les premiers effets de la force centrifuge ont excédé ceux de la pesanteur ; en conséquence, il s’est fait dans ces masses liquides une séparation et une projection de parties à leur équateur, où cette force centrifuge est la plus grande, lesquelles parties, séparées et chassées par cette force, ont formé des masses concomitantes, et sont devenues des satellites, qui ont dû circuler et qui circulent en effet tous dans le plan de l’équateur de la planète,

  1. Voyez la Théorie de la Terre, article de la formation des planètes.