Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 1.pdf/46

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nements, et qu’on se contente de conclure avec moi que, si Dieu l’eût permis, il se pourrait, par les seules lois de la nature, que la terre et les planètes eussent été formées de cette même manière.

Suivons donc notre objet, et de ce temps qui a précédé les temps et s’est soustrait à notre vue, passons au premier âge de notre univers, où la terre et les planètes ayant reçu leur forme ont pris de la consistance, et de liquides sont devenues solides. Ce changement d’état s’est fait naturellement et par le seul effet de la diminution de la chaleur : la matière qui compose le globe terrestre et les autres globes planétaires était en fusion lorsqu’ils ont commencé à tourner sur eux-mêmes ; ils ont donc obéi, comme toute autre matière fluide, aux lois de la force centrifuge ; les parties voisines de l’équateur, qui subissent le plus grand mouvement dans la rotation, se sont le plus élevées ; celles qui sont voisines des pôles, où ce mouvement est moindre ou nul, se sont abaissées dans la proportion juste et précise qu’exigent les lois de la pesanteur, combinées avec celles de la force centrifuge[1] ; et cette forme de la terre et des planètes s’est conservée jusqu’à ce jour, et se conservera perpétuellement, quand même l’on voudrait supposer que le mouvement de rotation viendrait à s’accélérer, parce que la matière ayant passé de l’état de fluidité à celui de solidité, la cohésion des parties suffit seule pour maintenir la forme primordiale, et qu’il faudrait pour la changer que le mouvement de rotation prît une rapidité presque infinie, c’est-à-dire assez grande pour que l’effet de la force centrifuge devînt plus grand que celui de la force de cohérence.

Or, le refroidissement de la terre et des planètes, comme celui de tous les corps chauds, a commencé par la surface ; les matières en fusion s’y sont consolidées dans un temps assez court ; dès que le grand feu dont elles étaient pénétrées s’est échappé, les parties de la matière qu’il tenait divisées se sont rapprochées et réunies de plus près par leur attraction mutuelle ; celles qui avaient assez de fixité pour soutenir la violence du feu ont formé des masses solides ; mais celles qui, comme l’air et l’eau, se raréfient ou se volatilisent par le feu ne pouvaient faire corps avec les autres ; elles en ont été séparées dans les premiers temps du refroidissement ; tous les éléments pouvant se transmuer et se convertir, l’instant de la consolidation des matières fixes fut aussi celui de la plus grande conversion des éléments et de la production des matières volatiles : elles étaient réduites en vapeurs et dispersées au loin, formant autour des planètes une espèce d’atmosphère semblable à celle du soleil : car on sait que le corps de cet astre en feu est environné d’une sphère de vapeurs qui s’étend à des distances immenses, et peut-être jusqu’à l’orbe de la terre[2]. L’existence

  1. Voyez ci-après les additions et les notes justificatives des faits.
  2. Voyez les Mémoires de MM. Cassini, Fatio, etc., sur la Lumière zodiacale, et le Traité de M. de Mairan, sur l’Aurore boréale, p. 10 et suiv.