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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 1.pdf/81

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autres intervalles que les masses calcaires laissaient entre elles. Ces fentes perpendiculaires ou légèrement inclinées dans les bancs calcaires se sont formées par le resserrement de ces matières calcaires, lorsqu’elles se sont séchées et durcies, de la même manière que s’étaient faites précédemment les premières fentes perpendiculaires dans les montagnes vitrescibles produites par le feu, lorsque ces matières se sont resserrées par leur consolidation. Les pluies, les vents et les autres agents extérieurs avaient déjà détaché de ces masses vitrescibles une grande quantité de petits fragments que les eaux transportaient en différents endroits. En cherchant des mines de fer dans des collines de pierres calcaires, j’ai trouvé plusieurs fentes et cavités remplies de mines de fer en grains, mêlées de sable vitrescible et de petits cailloux arrondis. Ces sacs ou nids de fer ne s’étendent pas horizontalement, mais descendent presque perpendiculairement, et ils sont tous situés sur la crête la plus élevée des collines calcaires[1]. J’ai reconnu plus d’une centaine de ces sacs, et j’en ai trouvé huit principaux et très considérables dans la seule étendue de terrain qui avoisine mes forges, à une ou deux lieues de distance : toutes ces mines étaient en grains assez menus, et plus ou moins mélangés de sable vitrescible et de petits cailloux. J’ai fait exploiter cinq de ces mines pour l’usage de mes fourneaux : on a fouillé les unes à cinquante ou soixante pieds, et les autres jusqu’à cent soixante-quinze pieds de profondeur ; elles sont toutes également situées dans les fentes des rochers calcaires, et il n’y a dans cette contrée ni roc vitrescible, ni quartz, ni grès, ni cailloux, ni granits ; en sorte que ces mines de fer, qui sont en grains plus ou moins gros, et qui sont toutes plus ou moins mélangées de sable vitrescible et de petits cailloux, n’ont pu se former dans les matières calcaires, où elles sont renfermées de tous côtés comme entre des murailles ; et par conséquent elles y ont été amenées de loin par le mouvement des eaux qui les y auront déposées en même temps qu’elles déposaient ailleurs des glaises et d’autres sédiments : car ces sacs de mine de fer en grains sont tous surmontés ou latéralement accompagnés d’une espèce de terre limoneuse rougeâtre, plus pétrissable, plus pure et plus fine que l’argile commune. Il paraît même que cette terre limoneuse, plus ou moins colorée de la teinture rouge que le fer donne à la terre, est l’ancienne matrice de ces mines de fer, et que c’est dans cette même terre que les grains métalliques ont dû se former avant leur transport. Ces mines, quoique situées dans des collines entièrement calcaires, ne contiennent aucun gravier de cette même nature ; il se trouve seulement, à mesure qu’on descend, quelques masses isolées de pierres calcaires autour desquelles tournent les veines de la mine, toujours

  1. Je puis encore citer ici les mines de fer en pierre qui se trouvent en Champagne, et qui sont ensachées entre les rochers calcaires, dans des directions et des inclinaisons différentes, perpendiculaires ou obliques. Voyez le Recueil des Mémoires de Physique et d’Histoire naturelle, par M. de Grignon, in-4o. Paris, 1775, p. 35 et suiv.