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vine qui s’est élargie et creusée peu à peu ; les déblais ayant été transportés et entraînés par le courant des eaux dans la portion inférieure de la vallée, ils en auront comblé le fond, et c’est par cette raison que les vallons paraissent plus profonds à leur naissance que dans le reste de leur cours, et que les grandes vallées semblent être moins profondes à mesure qu’elles s’éloignent davantage du sommet auquel leurs rameaux aboutissent : car l’on peut considérer une grande vallée comme un tronc qui jette des branches par d’autres vallées, lesquelles jettent des rameaux par d’autres petits vallons qui s’étendent et remontent jusqu’au sommet auquel ils aboutissent.

En suivant cet objet dans l’exemple que nous venons de présenter, si l’on prend ensemble tous les terrains qui versent leurs eaux dans la Seine, ce vaste espace formera une vallée du premier ordre, c’est-à-dire de la plus grande étendue ; ensuite, si nous ne prenons que les terrains qui portent leurs eaux à la rivière d’Yonne, cet espace sera une vallée du second ordre ; et, continuant à remonter vers le sommet de la chaîne des montagnes, les terrains qui versent leurs eaux dans l’Armançon, le Serin et la Cure formeront des vallées du troisième ordre ; et ensuite la Brenne, qui tombe dans l’Armançon, sera une vallée du quatrième ordre, et enfin l’Oze et l’Ozerain, qui tombent dans la Brenne, et dont les sources sont voisines de celles de la Seine, forment des vallées du cinquième ordre. De même, si nous prenons les terrains qui portent les eaux de la Marne, cet espace sera une vallée du second ordre ; et, continuant à remonter vers le sommet de la chaîne des montagnes de Langres, si nous ne prenons que les terrains dont les eaux s’écoulent dans la rivière de Rognon, ce sera une vallée du troisième ordre ; enfin les terrains, qui versent leurs eaux dans les ruisseaux de Bussière et d’Orguevaux, forment des vallées du quatrième ordre.

Cette disposition est générale dans tous les continents terrestres. À mesure que l’on remonte et qu’on s’approche du sommet des chaînes de montagnes, on voit évidemment que les vallées sont plus étroites ; mais, quoiqu’elles paraissent aussi plus profondes, il est certain néanmoins que l’ancien fond des vallées inférieures était beaucoup plus bas autrefois que ne l’est actuellement celui des vallons supérieurs. Nous avons dit que dans la vallée de la Seine, à Paris, l’on a trouvé des bois travaillés de main d’homme à soixante-quinze pieds de profondeur ; le premier fond de cette vallée était donc autrefois bien plus bas qu’il ne l’est aujourd’hui, car au-dessous de ces soixante-quinze pieds on doit encore trouver les déblais pierreux et terrestres entraînés par les courants depuis le sommet général des montagnes, tant par les vallées de la Seine que par celles de la Marne, de l’Yonne et de toutes les rivières qu’elles reçoivent. Au contraire, lorsque l’on creuse dans les petits vallons voisins du sommet général, on ne trouve aucun déblai, mais des bancs solides de pierre calcaire posée par lits horizontaux, et des argiles au-dessous à une profondeur plus ou moins grande. J’ai vu, dans une gorge