Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

minces et aussi transparentes que le verre, mais il se ternit à l’air au bout de quelques années, et perd beaucoup de sa transparence. On en peut faire un bon usage pour les petites fenêtres des vaisseaux, parce qu’étant plus souple et moins fragile que le verre, il résiste mieux à toute commotion brusque, et en particulier à celle du canon.

Il y a des talcs verdâtres, jaunes et même noirs ; et ces différentes couleurs, qui altèrent leur transparence, n’en changent pas les autres qualités : ces talcs colorés sont à peu près également doux au toucher, souples et pliants sous la main, et ils résistent, comme le talc blanc, à l’action des acides et du feu.

Ce n’est pas seulement en Sibérie et en Moscovie, que l’on trouve des veines ou des masses de talc ; il y en a dans plusieurs autres contrées, à Madagascar[1], en Arabie[2], en Perse[3], où néanmoins il n’est pas en feuillets aussi minces que celui de Sibérie. M. Cook parle aussi d’un talc vert qu’il a vu dans la Nouvelle-Zélande, dont les habitants font commerce entre eux[4] ; il s’en trouve de même dans plusieurs endroits du continent et des îles de l’Amérique, comme à Saint-Domingue[5], en Virginie et au Pérou[6], où il est d’une grande blancheur et très transparent[7] ; mais, en citant les relations de ces voyageurs, je dois observer que quelques-uns d’entre eux pourraient s’être trompés en prenant pour du talc des gypses, avec lesquels il est aisé de le confondre ; car il y a des gypses si ressemblants au talc, qu’on ne peut guère les distinguer qu’à l’épreuve du feu de calcination ; ces gypses sont aussi doux au toucher, aussi transparents que le talc ; j’en ai vu moi-même dans de vieux vitraux d’église, qui n’avaient pas encore perdu toute leur transparence, et même il paraît que le gypse résiste à cet égard plus longtemps que le talc aux impressions de l’air.

Il paraît aussi assez difficile de distinguer le talc de certains spaths autrement que par la cassure ; car le talc, quoique composé de lames brillantes et minces, n’a pas la cassure spathique et chatoyante comme les spaths, et il ne se rompt jamais qu’obliquement sans direction déterminée.

La matière qu’on appelle talc de Venise, et fort improprement craie d’Espagne, craie de Briançon, est différente du talc de Moscovie ; elle n’est pas comme ce talc en grandes feuilles minces, mais seulement en petites lames, et elle est encore plus douce au toucher et plus propre à faire le blanc de fard qu’on applique sur la peau.

On trouve aussi du talc en Scanie, qui n’a que peu de transparence. En Norvège, il y en a de deux espèces : la première, blanchâtre ou verdâtre, dans le diocèse de Christiania,

    préparation du talc consiste à le fendre par lames avec un couteau mince à deux tranchants ; on s’en sert dans toute la Sibérie au lieu de vitres pour les fenêtres et les lanternes ; il n’est point de verre plus clair et plus net que le bon talc : dans les villages de la Russie, et même dans certaines villes, on l’emploie au même usage. La marine russe en fait une grande consommation ; tous les vitrages des vaisseaux sont de talc, parce que, outre sa transparence, il n’est pas cassant, et qu’il résiste aux plus fortes secousses du canon : cependant il est sujet à s’altérer ; quand il est longtemps exposé à l’air, il s’y forme peu à peu des taches qui le rendent opaque, la poussière s’y attache, et il est très difficile d’en ôter la crasse et l’impression de la fumée sans altérer sa substance. » Voyage en Sibérie, par M. Gmelin. Histoire générale des voyages, t. XVIII, p. 272 et suiv.

  1. Mémoires pour servir à l’Histoire des Indes orientales, Paris, 1702, page 173.
  2. Voyage de Pietro della Valle, Rouen, 1745, t. VIII, p. 89.
  3. Voyage de Tavernier, Rouen, 1713, t. II, p. 264.
  4. Second Voyage de Cook, t. II, p. 110.
  5. Histoire générale des voyages, t. XII, p. 218.
  6. Idem, t. XIV, p. 508.
  7. Idem, t. XIII, p. 318.