soudre, et cela parce que le feu y est tempéré par l’air auquel il est uni et que, quand il produit de la chaleur ou d’autres effets semblables à ceux du feu, c’est qu’on sépare cet élément de la base passive dans laquelle il était renfermé.
Tous les sels dissous dans l’eau se cristallisent en forme assez régulière, par une évaporation lente et tranquille ; mais, lorsque l’évaporation de l’eau se fait trop promptement, ou qu’elle est troublée par quelque mouvement extérieur, les cristaux salins ne se forment qu’imparfaitement et se groupent confusément. Les différents sels donnent des cristaux de figures différentes ; ils se produisent principalement à la surface du liquide, à mesure qu’il s’évapore, ce qui prouve que l’air contribue à leur formation, et qu’elle ne dépend pas uniquement du rapprochement des parties salines qui s’unissent, à la vérité, par leur attraction mutuelle, mais qui ont besoin pour cela d’être mises en liberté parfaite : or elles n’obtiennent cette liberté entière qu’à la surface du liquide, parce que sa résistance augmente avec sa densité par l’évaporation ; en sorte que les parties salines se trouvent, à la vérité, plus voisines par la diminution du volume du liquide, mais elles ont en même temps plus de peine à vaincre sa résistance, qui augmente dans la même proportion que ce volume diminue ; et c’est par cette raison que toutes les cristallisations des sels s’opèrent plus efficacement et plus abondamment à la surface qu’à l’intérieur du liquide en évaporation.
Lorsque l’on a tiré par ce moyen tout le sel en cristaux que le liquide chargé de sel peut fournir, il en reste encore dans l’eau mère, mais ce sel y est si fort engagé avec la matière grasse qu’il n’est plus susceptible de rapprochement de cristallisation ; et même si cette matière grasse est en très grande quantité, l’eau ne peut plus en dissoudre le sel ; cela prouve que la solubilité dans l’eau n’est pas une propriété inhérente et essentielle aux substances salines.
Il en est du caractère de la cristallisation comme de celui de la solubilité : la propriété de se cristalliser n’est pas plus essentielle aux sels que celle de se dissoudre dans l’eau, et l’un de nos plus judicieux physiciens, M. de Morveau, a eu raison de dire « que la saveur est le seul caractère distinctif des sels, et que les autres propriétés, qu’on a voulu ajouter à celle-ci pour perfectionner leur définition, n’ont servi qu’à rendre plus incertaines les limites que l’on voulait fixer…, la solubilité par l’eau ne convenant pas plus aux sels qu’à la gomme et à d’autres matières : il en est de même de la cristallisation, puisque tous les corps sont susceptibles de se cristalliser en passant de l’état liquide à l’état solide ; et il en est encore de même, ajoute-t-il, de la qualité qu’on suppose aux sels de n’être point combustibles par eux-mêmes ; car, dans ce cas, le nitre ammoniacal ne serait plus un sel[1]. »
Nos définitions, qui pèchent si souvent par défaut, pèchent aussi, comme l’on voit, quelquefois par excès : l’un nuit au complément, et l’autre à la précision de l’idée qui représente la chose, et les énumérations qu’on se permet de faire en conséquence de cette extension des définitions nuisent encore plus à la netteté de nos vues, et s’opposent au libre exercice de l’esprit en le surchargeant de petites idées particulières, souvent précaires, en lui présentant des méthodes arbitraires qui l’éloignent de l’ordre réel des choses, et enfin, en l’empêchant de s’élever au point de pouvoir généraliser les rapports que l’on doit en tirer. Quoiqu’on puisse donc réduire tous les sels de la nature à un seul principe salin, et que ce principe primitif soit, selon moi, l’acide aérien, la nombreuse énumération qu’on a faite des sels sous différents noms ne pouvait manquer de s’opposer à cette vue générale ; on a cru jusqu’au temps de Stahl, et plusieurs chimistes croient encore, que les principes salins, dans l’acide nitreux et dans l’acide marin, sont très différents de celui de l’acide vitriolique, et que ces mêmes principes sont non seulement différents,
- ↑ Éléments de chimie, t. Ier, p. 127.