Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/170

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surface que dans l’intérieur de la terre. On voit aux environs d’Amsterdam une montagne de sel gemme[1] où les habitants du pays et même les étrangers ont la liberté d’en prendre autant qu’il leur plaît[2] ; il y en a aussi des plaines immenses qui sont pour ainsi dire toutes couvertes de sel[3] ; on voit une semblable plaine de sel en Natolie[4]. Pline dit que Ptolémée, en plaçant son camp près de Péluse, découvrit sous le sable une

    d’une carrière, et pour la valeur d’un sou on en donne un pied et demi en carré. Il se trouve aussi des plaines dont le sable n’est que pur sel, mais il n’a pas le même effet que celui de France, et il en faut le double pour saler raisonnablement les viandes. Voyages de Tavernier en Turquie, etc., t. II, p. 10 et 11. — Quelques montagnes aux environs du château de Thaïkan, à deux journées nord-est-quart-de-nord de Balack, ville située sur les frontières de Perse, sont composées du plus beau sel de roche : cette ville de Balack a été ruinée par les Tartares. Histoire générale des Voyages, t. VII, p. 318. — L’on trouve quantité de ruisseaux d’eau salée, au bord desquels s’épaissit et se forme un sel très blanc : et ce qui est bien davantage, proche de Congo, il y a une plaine qui, par l’espace de plusieurs milles, est toute blanche de sel, lequel venant à se fondre en temps de pluie, et par ce moyen effaçant entièrement les chemins, cause une extrême confusion, et donne aux passants une peine incroyable. Voyages d’Orient, par le P. Philippe, carme déchaussé ; Lyon, 1669, t. II, p. 104.

  1. On trouve dans la province d’Astracan une montagne de sel qui, bien qu’on y en prenne journellement, semble ne point diminuer : ce sel est dur et aussi transparent que du cristal. Il est permis à toutes sortes de gens d’y en faire couper, ce qui a enrichi beaucoup de marchands. Voyages historiques de l’Europe ; Paris, 1693, t. II, p. 34 et 35.
  2. Pline cite une montagne de sel aux Indes, laquelle était, dit-il, pour le souverain, son possesseur, une source inépuisable de richesse. « Sunt et montes nativi salis, ut in Indiâ Oromenus, in quo lapidicinarum modo cæditur renascens ; majusque regum vectigal ex eo, quam ex auro atque margaritis. » Lib. xxxi, cap. i, sect. 39.
  3. Au delà du Volga, vers le couchant, s’étend une longue bruyère de plus de soixante-dix lieues d’Allemagne jusqu’au Pont-Euxin ; et vers le midi, une autre de plus de quatre-vingts lieues le long de la mer Caspie… Mais ces déserts ne sont point si stériles qu’ils ne produisent du sel en plus grande quantité que les marais de France et d’Espagne ; ceux de ces quartiers-là les appellent Mozakoski. Kainkowa et Gwoftonki, qui sont à dix, quinze et trente werstes d’Astracan, ont des veines salées, que le soleil cuit et fait nager sur l’eau l’épaisseur d’un doigt, comme un cristal de roche, et en si grande quantité, qu’en payant deux liards d’impôt de chaque poud, c’est-à-dire du poids de quarante livres, on en emporte tant que l’on veut ; il sent la violette comme en France, et les Moscovites en font un grand trafic, en le portant sur le bord du Volga, où ils le mettent en de grands monceaux jusqu’à ce qu’ils aient la commodité de le transporter ailleurs. Petreins, dans son Histoire de Moscovie, dit qu’à deux lieues d’Astracan, il y a deux montagnes, qu’il nomme Bussin, qui produisent du sel de roche en si grande abondance, que, quand trente mille hommes y travailleraient incessamment, ils n’en pourraient pas tarir les sources ; mais je n’ai pu rien apprendre de ces montagnes imaginaires : cependant il est certain que le fond des veines salées dont nous venons de parler est inépuisable, et que l’on n’en a pas sitôt enlevé une croûte qu’il ne s’y en fasse aussitôt une nouvelle. Le même Petreins se trompe aussi quand il dit que ces montagnes fournissent de sel la Médie, la Perse et l’Arménie, puisque ces provinces ne manquent point de marais salants, non plus que la Moscovie, ainsi que nous le verrons dans la suite. Voyages d’Olearius ; Paris, 1656, t. Ier, p. 319.
  4. Tavernier parle d’une plaine de Natolie, qui a environ dix lieues de long et une ou deux de large, qui n’est qu’un lac salé dont l’eau se congèle et se forme en sel qu’on ne peut dissoudre qu’avec peine, si ce n’est dans l’eau chaude ; ce lac fournit de sel presque toute la Natolie, et la charge d’une charrette, tirée par deux buffles, ne coûte sur le lieu qu’environ quarante-cinq sous de notre monnaie : il s’appelle Douslac, c’est-à-dire la place de sel, et le pacha de Couchahur, petite ville qui est à deux journées, en retire vingt-quatre mille écus par an. Voyages de Tavernier, t. Ier, p. 124.