SEL AMMONIAC
Ce sel[NdÉ 1] est ainsi nommé du mot grec ammos, qui signifie du sable, parce que les anciens ont écrit qu’on le trouvait dans les sables, qui avaient aussi donné leur nom au temple de Jupiter Ammon ; cette tradition, néanmoins, ne s’est pas pleinement confirmée, car ce n’est qu’au-dessus des volcans et des autres fournaises souterraines que nous sommes assurés qu’il se trouve réellement du sel ammoniac formé par la nature : c’est un composé de l’acide marin et de l’alcali volatil et cette union ne peut se faire que par le feu ou par l’action d’une grande chaleur. On a dit que l’ardeur du soleil, dans les terrains secs des climats les plus chauds, produisait ce sel dans les endroits où la terre se trouvait arrosée de l’urine des animaux, et, cela ne paraît pas impossible, puisque l’urine pétrifiée donne de l’alcali volatil et que la chaleur du soleil dans un temps de sécheresse peut équivaloir à l’action d’un feu réel ; et, comme il y a sur la surface de la terre des contrées ou le sel marin abonde, il peut s’y former du sel ammoniac par l’union de l’acide de ce sel avec l’alcali volatil de l’urine et des autres matières animales ou végétales en putréfaction, et de même dans les lieux où il se sera rencontré d’autres sels acides, vitrioliques, nitreux, etc., il en aura résulté autant de différents sels ammoniacaux qu’il y a de combinaisons diverses entre l’acide de ces sels et l’alcali volatil ; car, quoiqu’on puisse dire aussi qu’il y a plusieurs alcalis volatils, parce qu’en effet ils diffèrent entre eux par quelques qualités qu’ils empruntent des substances dont on les tire, cependant tous les chimistes conviennent qu’en les purgeant de ces matières étrangères, tous ces alcalis volatils se réduisent à un seul, toujours semblable à lui-même lorsqu’il est amené à un point de pureté convenable[1].
De tous les sels ammoniacaux, celui que la nature nous présente en plus grande quantité est le sel ammoniac, formé de l’acide marin et de l’alcali volatil ; les autres, qui sont composés de ce même alcali avec l’acide vitriolique, l’acide nitreux ou avec les acides végétaux et animaux, n’existent pas sur la terre ou ne s’y trouvent qu’en si petite quantité qu’on peut les négliger dans l’énumération des productions de la nature. Mais de la même manière que l’alcali fixe et minéral s’est combiné en immense quantité avec l’acide marin, comme le moins éloigné de son essence, et a produit le sel commun, l’alcali volatil a aussi saisi de préférence cet acide marin plus volatil, et par conséquent plus conforme à sa nature que les deux autres acides minéraux ; il n’est donc pas impossible que le sel ammoniac se forme dans tous les lieux où l’alcali volatil et le sel marin se trouvent réunis ; les anciens relateurs ont écrit que l’urine des chameaux produit sur les sables salés de l’Arabie et de la Libye du sel ammoniac en grande quantité. Mais les voyageurs récents n’ont ni recherché ni vérifié ce fait, qui néanmoins me paraît assez probable.
Les acides en général s’unissent moins intimement avec l’alcali volatil qu’avec les alcalis fixes, et l’acide marin en particulier n’est qu’assez faiblement uni avec l’alcali volatil dans le sel ammoniac ; c’est peut-être par cette raison que tous les sels ammoniacaux ont une saveur beaucoup plus vive et plus piquante que les sels composés des mêmes acides et de l’alcali fixe ; ces sels ammoniacaux sont aussi plus volatils et plus susceptibles de décomposition, parce que l’alcali volatil n’est pas aussi fortement uni que l’alcali fixe avec leur acide.
- ↑ Voyez le Dictionnaire de M. Macquer, article Alcali volatil.
- ↑ Chlorhydrate d’ammoniaque [Note de Wikisource : aujourd’hui plutôt appelé chlorure d’ammonium]. Encore un chapitre tellement riche en erreurs, qu’il est impossible et fort inutile de les relever toutes.